Les conclusions de l’avocat général dans l’affaire "Papillon" ont été présentées à la Cour de Justice des Communautés Européennes.
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a interrogé la Cour sur la compatibilité avec le droit communautaire de la position restrictive de l’administration fiscale française en ce qui concerne la mise en place d’un groupe d’intégration fiscale entre sociétés françaises liées par l’intermédiaire d’une société étrangère (CE, 10 juillet 2007, Société Papillon, n° 284785).
La société Papillon est une société résidente de France, qui détenait l’intégralité du capital d’une société établie aux Pays-Bas, laquelle détenait elle-même directement et indirectement la quasi-totalité des titres de plusieurs sociétés résidentes de France. Elle avait opté pour le régime de l’intégration fiscale et inclus, dans le périmètre du groupe intégré, les sous-filiales françaises détenues via la filiale néerlandaise, ce que l’administration fiscale française avait remis en cause à l’occasion d’une vérification.
Selon l’administration, puisque le régime d’intégration fiscale n’est ouvert qu’aux sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés et suppose en outre l’existence d’une chaîne ininterrompue de sociétés intégrées, la société Papillon ne pouvait, par définition, constituer un groupe fiscal avec des sociétés filiales détenues indirectement par l’intermédiaire d’une société néerlandaise dépourvue d’établissement stable, et donc non soumises à l’impôt sur les sociétés, en France.
La question posée à la Cour est de savoir si l’impossibilité d’inclure dans le périmètre du groupe une sous-filiale détenue par l’intermédiaire d’une société non établie en France, constitue une restriction à la liberté d’établissement et, dans l’affirmative, si cette restriction peut être justifiée par la nécessité de maintenir la cohérence du système fiscal français.
Dans un premier temps, l’avocat général conclue clairement que l’impossibilité pour une société française d’être membre d’un groupe fiscal intégré lorsque sa détention à au moins 95% par la société intégrante est réalisée par l’intermédiaire d’une société étrangère, qui ne dispose pas d’un établissement stable sur le territoire français, est bien constitutive d’une restriction à la liberté d’établissement. Sur cette question, les conclusions font valoir que le dispositif analysé introduit bien une discrimination au regard de la faculté d’opter pour l’intégration fiscale selon que la société mère détient ses participations via une filiale établie en France ou à l’étranger et donc qu’il a nécessairement un impact sur le choix des sociétés françaises de détenir leurs sous-filiales par l’intermédiaire de filiales non résidentes plutôt que par l’intermédiaire de filiales résidentes.
Dans un second temps, Mme Kokott admet que cette restriction peut être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal et notamment d’éviter que l’application du régime d’intégration ne conduise à de multiples prises en compte de pertes. A cet égard, elle reprend à son compte l’exemple de double déduction potentielle fourni par l’Etat français, dont plusieurs auteurs avaient pourtant souligné les limites, notamment compte tenu de la non déductibilité, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, des provisions pour dépréciation de titres de participation.
Enfin, les conclusions rappellent que pour admettre cette restriction, il ne doit pas exister de moyens moins contraignants permettant à l’Etat français de se prémunir contre ce risque de double déduction. Mme Kokott se demande, notamment, s’il n’aurait pas été suffisant de prévoir un système de neutralisation de certaines opérations intragroupes en présence d’une société filiale non résidente équivalent à celui existant dans un contexte de groupe intégré purement français, et ne semble pas convaincue par les difficultés pratiques soulevées par l’administration fiscale française. Elle laisse néanmoins cette dernière question à l’appréciation du Conseil d’Etat.