Cass. soc. 27 février 2013, n° 11-27.474
Les faits de l’espèce jugée et expressément relevés par la Cour d’appel sont les suivants « le salarié, déjà sanctionné par deux avertissements [en] 2007 pour avoir abusé de sa liberté d’expression au détriment de la direction de l’entreprise […], avait employé des termes grossiers et insultants à l’encontre du représentant de l’employeur lors [d’une] réunion […] du comité d’entreprise [le] 16 avril 2009 : ‘vous êtes un trou du cul, vous !‘ ; [il] s’était de nouveau adressé [au représentant de l’employeur] lors de la réunion […] du 30 avril 2009 en usant de termes tout aussi insultants : ‘là, M. Z… est sur le perchoir, comme un vautour qui se dit : avec cela, je vais le niquer, je vais lui faire son cul’ ; […] l’inspecteur du travail et le ministre du travail avaient stigmatisé un ‘comportement récurrent’ du salarié et délivré l’autorisation de licenciement ».
Les termes utilisés n’étaient pas contestés par le salarié. Les propos qu’il avait tenus ne présentaient « pas de lien direct » avec les mesures dont il se plaignait et dépassaient largement les écarts de langages qui pouvaient être admis par l’usage en vigueur dans certains milieux professionnels.
Pour autant, la chambre sociale de la Cour de cassation décide que « le salarié, qui comptait vingt ans d’ancienneté dans l’entreprise, avait tenu, au cours de la réunion du comité d’entreprise […], les propos qui lui étaient reprochés dans un contexte de vive tension opposant les représentants du personnel et la direction ; […] ce comportement ne rendait pas impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, et ne constituait pas une faute grave » (Cass. soc. 27 février 2013, n° 11-27.474).
Si « le juge judiciaire ne peut […] apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus [par le juge administratif] pour justifier le licenciement, il reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute privative des indemnités de rupture » (Cass. soc. 3 mai 2011 n° 09-71.950). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit donc au juge prud’homal d’invalider les motifs retenus par l’inspection du travail pour autoriser le licenciement d’un salarié protégé. Le Conseil de prud’hommes peut en revanche disqualifier les fautes considérées et ainsi faire droit à des demandes indemnitaires.
Comme dans le cas de l’espèce jugée le 27 février 2013, le juge prud’homal peut donc apprécier la gravité de la faute qui a présidé au licenciement, la requalifier en faute simple et ainsi condamner l’employeur au paiement des indemnités de rupture dont le salarié a été privé au moment de son licenciement.
Rappelons que l’ordre judiciaire considère que « les représentants du personnel, qu’ils soient élus ou désignés, ne sont soumis au pouvoir disciplinaire de leur employeur que pour les fautes qu’ils ont commises en exécution de leur contrat de travail et non pour celles qu’ils ont commises dans l’exercice de leur mandat, sauf abus de celui-ci » (Cass. soc. 30 juin 2010, n° 09-66.792). Compte tenu des circonstances de l’espèce et de la gravité des faits relevés, il est cependant étonnant de constater un tel écart d’interprétation entre l’ordre administratif et l’ordre judiciaire sur la notion « d’abus ».
En d’autres termes, comment une faute commise peut-elle être suffisamment grave pour justifier l’autorisation administrative du licenciement de son auteur et tout à la fois être insuffisante pour fonder l’exercice par l’employeur de son pouvoir disciplinaire ?!
Enfin, si l’on peut comprendre qu’il faille que le représentant du personnel jouisse d’un certain affranchissement de son lien de subordination lorsqu’il exerce ses fonctions représentatives, l’arrêt rendu le 27 février 2013 nous fait douter de ses limites…