Décret n° 2016-2 du 4 janvier 2016
Cette obligation a été créée par l’article 18 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire (dite « loi Hamon »). Ainsi, tous les trois ans au moins, les sociétés de moins de 250 salariés doivent informer leurs salariés sur les conditions juridiques dans lesquelles ils pourraient reprendre leur entreprise, les avantages et les difficultés que cela comporterait et les dispositifs d’aide existants.
L’objectif du législateur était de donner aux salariés les moyens de formuler une offre éventuelle si la société qui les emploie fait l’objet d’un projet de « cession » (limité au cas de « vente » depuis la Loi Macron).
L’article 204 (I) de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « loi Macron »), a complété l’article 18 de la loi Hamon pour y ajouter une information « sur les orientations générales de l’entreprise relatives à la détention de son capital, notamment sur le contexte et les conditions d’une cession de celle-ci et, le cas échéant, sur le contexte et les conditions d’un changement capitalistique substantiel ».
Un décret d’application était prévu par la loi Hamon.
Ce décret n’ayant pas été rapidement adopté, le dispositif restait flou et difficilement applicable. Un décret a finalement été pris le 4 janvier 2016. Il prévoit l’entrée en vigueur de ses dispositions et de celles de l’article 204 (I) de la loi Macron au 6 janvier 2016.
Ce décret a précisé les conditions d’application des dispositions issues des lois Hamon et Macron concernant tant le contenu des informations à fournir aux salariés (i) que les modalités dans lesquelles elles doivent être communiquées (ii).
(i) Les informations qui doivent être portées à la connaissance des salariés sont les suivantes :
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Les principales étapes d’un projet de reprise d’une société, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
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Une liste d’organismes pouvant fournir un accompagnement, des conseils ou une formation en matière de reprise d’une société par les salariés ;
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Les éléments généraux relatifs aux aspects juridiques de la reprise d’une société par les salariés, en précisant les avantages et les difficultés pour les salariés et pour le cédant ;
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Les éléments généraux en matière de dispositifs d’aide financière et d’accompagnement pour la reprise d’une société par les salariés ;
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Une information générale sur les principaux critères de valorisation de la société, ainsi que sur la structure de son capital et son évolution prévisible ;
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Le cas échéant, une information générale sur le contexte et les conditions d’une opération capitalistique concernant la société et ouverte aux salariés.
La liste des informations données par le décret montre qu’il s’agit de fournir aux salariés des informations tout à la fois relativement générales et théoriques, mais également adaptées à l’activité et à la forme sociale de la société.
(ii) Le décret prévoit également les modalités de communication de ces informations. Ainsi, le représentant légal de la société ou son délégataire doit les présenter par écrit, oralement ou indiquer l’adresse d’un site internet contenant les informations requises pour les éléments indiqués aux points 1° à 4° du décret. Les éléments prévus aux points 5° et 6° doivent en revanche être intégralement évoqués au cours de la réunion, sans renvoi possible à un site internet. En tout état de cause, il est recommandé de conserver par écrit la preuve de la bonne et complète information des salariés.
Le décret ne prévoit aucune sanction en cas de non-respect de cette obligation d’information.
Il est cependant possible d’imaginer qu’un salarié puisse engager une action en responsabilité contre le propriétaire pour obtenir des dommages et intérêts, s’il établit que l’absence d’information régulière l’a empêché de présenter une offre adéquate ou d’évaluer correctement l’opportunité de faire une telle offre, lui causant ainsi un préjudice susceptible d’être réparé.
Cette obligation d’informer régulièrement les salariés des possibilités dont ils disposent pour reprendre leur entreprise est à rapprocher d’une autre obligation, également créée par la loi Hamon et modifiée par la Loi Macron, celle d’informer les salariés préalablement à toute vente de l’entreprise.
Pour rappel, le propriétaire doit informer les salariés de sa volonté de vendre en même temps qu’il informe le comité d’entreprise. À défaut de comité d’entreprise, l’information directe des salariés doit se faire au moins deux mois avant la signature de l’acte de vente.
Pour que ces deux obligations d’information (i.e. triennale et préalable à la vente) s’articulent utilement, la Loi Macron permet au propriétaire d’une société qu’il souhaite vendre de s’exonérer de l’information préalable des salariés si, au cours des 12 mois précédant la signature de l’acte de vente, il les a informés dans le cadre de son obligation d’information triennale de sa volonté de vendre.
Il en résulte donc que, même en l’absence de sanction prévue spécifiquement pour le non-respect de l’obligation d’information triennale, il y a un intérêt à ce que celle-ci soit réalisée régulièrement, du moins lorsqu’une vente est envisagée à court ou moyen terme.
Compte-tenu de la lourdeur de ces dispositifs, il y a fort à parier que les PME, dans leur grande majorité, ne les respecteront pas, si tant est qu’elles soient ne serait-ce qu’au courant d’une telle obligation. Il est à souhaiter que ce dispositif soit purement et simplement aboli en cas de changement de majorité présidentielle.
À tout le moins, l’opportunité d’une telle obligation, aussi louable que soient ses objectifs, peut être débattue. En effet, dans la plupart des PME, la cession de la société fait déjà très souvent l’objet de discussions entre le propriétaire et ses salariés. Qui plus est, le processus d’achat et les dispositifs d’aides disponibles sont quant à eux déjà largement documentés et expliqués par les différents organismes d’aide à la création et la reprise d’entreprises (Agence Pour la Création d’Entreprise, Chambres de Commerce et d’Industrie, Banque Publique d’Investissement, etc.).