Les influenceurs sont apparus dans les années 2010 avec le développement des blogs par des jeunes avides de communiquer avec leurs semblables et de faciliter les échanges au sein d’une communauté. Le phénomène s’est accéléré avec les réseaux sociaux, en particulier Instagram, et certains ont fait de cette activité, initialement annexe, leur activité principale, parfois très lucrative. Certains influenceurs sont en effet « suivis » par plusieurs millions d’abonnés. Un nouveau métier est né et même deux, puisque se sont également créées des agences ou plateformes spécialisées dans la mise en relation entre influenceurs et annonceurs (Influence 4 You, Reech etc.). Ces agences suivent de très près le nombre d’abonnés des influenceurs, mais également leur pouvoir de persuasion et partant, leur « taux de conversion ».
Autre évolution notable, alors qu’initialement, les influenceurs (essentiellement des influenceuses, d’ailleurs) vantaient les mérites d’articles de mode et de cosmétiques, bien rares sont aujourd’hui les secteurs économiques qui leur échappent.

Les textes applicables

Comme souvent, la protection du consommateur passe par la transparence. Ainsi, en 2004, la Loi sur la Confiance dans l’Economie Numérique a posé dans son article 20 le principe selon lequel « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée ».

Quatre ans plus tard, la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a assimilé à une pratique commerciale trompeuse (et donc un délit pénal) le fait de ne pas rendre clairement identifiable la personne pour le compte de laquelle une communication commerciale est mise en œuvre.

La loi fait donc clairement la différence entre une communication spontanée et une communication sous influence et impose d’identifier celui qui influence l’influenceur.

Il s’en suit que toute une série de textes règlementant la publicité et les communications commerciales comme le droit de la concurrence, la protection des consommateurs, l’interdiction de la publicité mensongère et les règles propres à certains produits ou services (par exemple les produits pharmaceutiques ou financiers, l’alcool etc.) peuvent s’appliquer aux influenceurs.

Assez rapidement, le besoin s’est fait ressentir d’avoir des règles plus précises et plus claires sur ce qui est « clairement identifiable » et en 2017, l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP) a émis des recommandations. Elle a d’abord défini l’influenceur comme « un individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres et que son audience identifie » puis indiqué à partir de quel moment une collaboration est considérée comme publicitaire. Parmi les critères identifiés figurent :

  • l’existence d’un paiement ou de toute autre contrepartie (cadeaux, produits gratuits, voyages…) et
  • l’existence d’un contrôle éditorial prépondérant par la marque (notamment en imposant un discours, un scénario…) et une validation du contenu avant sa publication (même si en pratique, certains contenus ne semblent pas toujours complètement maîtrisés par les marques…).

Plus récemment, l’ARPP a fait un point dans un Observatoire publié en mai 2019. Elle indique par exemple qu’en France, le mot « Ad » n’est pas suffisant pour indiquer qu’un post est une publicité sous influence, car si les anglophones reconnaissent immédiatement qu’il s’agit du diminutif de « advertising », le consommateur français moyen quant à lui ne comprend pas forcément qu’il s’agit de publicité. L’ARPP critique certaines pratiques qui consistent par exemple à remercier l’entreprise : « Merci à X pour cet essai de la nouvelle crème hydratante… ». Elle critique également les formules vagues de type « On m’a proposé de tester… », « J’ai été contacté pour… » qui ne rendent pas explicite la nature commerciale de la collaboration. Elle approuve en revanche des mentions comme « Partenariat rémunéré avec l’entreprise X ». Elle recommande également d’utiliser les fonctionnalités intégrées dans les réseaux sociaux. Sur Instagram par exemple, la mention « Partenariat rémunéré avec X » apparaît sous le pseudo de l’influenceur lorsqu’il publie son post.

Si les recommandations de l’ARPP n’ont pas de valeur normative, elles peuvent toutefois être utilisées comme référence dans le cadre de procédures judiciaires.

Les deux textes de loi mentionnés ci-dessus ont été pris en application de directives européennes. La France n’est évidemment pas la seule à chercher à assainir ces pratiques (voir par exemple l’article de nos collègues anglais sur les pratiques au Royaume-Uni).

Les enfants influenceurs

Les revenus tirés des pratiques publicitaires sont tels que les plus jeunes membres de la famille peuvent être mis à contribution (par exemple lorsqu’on les voit en train d’ouvrir des « cadeaux »), entretenant encore d’avantage la confusion sur le caractère publicitaire ou non d’une « story ». Cependant, cette pratique devrait être plus limitée à l’avenir depuis la loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. A noter que si cette loi règlemente l’aspect travail des enfants, elle ne traite pas du caractère publicitaire à proprement parler de leur activité.

Un exemple récent de mauvaises pratiques sanctionnées

Le 28 juillet 2021, la DGCCRF a publié un communiqué de presse faisant état de son action contre une influenceuse, issue de la téléréalité, pour pratiques commerciales trompeuses sur les réseaux sociaux.

Cette influenceuse, suivie par plusieurs millions de personnes sur le réseau Snapchat, avait fait la promotion d’un site de formation au trading en ligne en indiquant que les services proposés par ce site étaient gratuits, que l’on récupérait systématiquement les sommes investies et que les rendements pouvaient aller jusqu’à 80%.  En revanche, l’influenceuse avait omis de préciser qu’elle était rémunérée par ce site. L’enquête de la DGCCRF a établi que ces allégations (trop belles pour être vraies pour des gens un peu raisonnables…) étaient au surplus totalement mensongères.

Avec l’accord du Procureur, une amende transactionnelle d’un montant de 20.000 € a été proposée et acceptée par l’influenceuse, prenant en compte, nous dit le communiqué de presse de la DGCCRF, « le bénéfice tiré de l’opération de promotion ».

Attention, les marques sont elles aussi susceptibles d’être sanctionnées, notamment sur le contenu de la communication lorsqu’il n’est pas conforme à la règlementation (par exemple en discréditant un vaccin concurrent, en faisant de la publicité pour un médicament ou en omettant les mentions obligatoires pour un produit financier). Les marques ont donc tout intérêt à contrôler de près leurs influenceurs.

Les poursuites demeurent néanmoins rares, alors que l’Observatoire de l’ARPP publié en mai 2019 a relevé, après avoir analysé plusieurs centaines de campagnes, que 45% d’entre elles n’étaient pas conformes avec soit une absence d’information sur le partenariat, soit une information tardive ou insuffisante. Un second Observatoire publié en septembre 2021 concluait, sur la base de l’analyse de plusieurs milliers de campagnes, que le taux de non-conformité serait de 58,8%.

Ce constat est d’autant plus regrettable que les mentalités évoluent. Il y a quelques années, les blogueurs craignaient de perdre une bonne partie de leurs followers s’ils révélaient les accords passés avec les marques. Aujourd’hui, les suiveurs ont perdu une grande partie de leur naïveté, ils savent bien que derrière les influenceurs se cachent souvent… d’autres influenceurs.