Depuis le 28 février, l’Etat considère le coronavirus COVID-19 comme un « cas de force majeure » pour les marchés publics, ainsi les entreprises ayant des marchés publics d’Etat ne seront pas pénalisées en cas de retard de livraison. Qu’elle est la portée de cette annonce sur les contrats entre commerçants ou entre commerçants et consommateurs ?
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Force majeure
La force majeure s’applique dans toute relation contractuelle régie par le droit français (ce n’est pas forcément le cas si le contrat est régi par un autre droit).
Quel que soit le droit applicable, il se peut aussi que le contrat définisse, de façon plus ou moins détaillée, extensive ou restrictive, les conditions d’application de la force majeure et ses conséquences sur les parties. Il est donc important de lire attentivement le contenu de ses contrats, si l’on souhaite invoquer la force majeure.
En ce qui concerne les relations entre professionnels et consommateurs, les stipulations contractuelles plus défavorables au consommateur que ce qui est prévu par la loi (même de façon implicite) sont susceptibles d’être nulles, car abusives. Est notamment considérée comme nulle, toute clause « qui supprime ou réduit le droit à réparation du consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une de ses obligations », ce qui pourrait être le cas notamment d’une clause donnant une définition trop large de la force majeure (Article R. 212-1 du code de la consommation).
Depuis le 1er octobre 2016, la force majeure est définie par l’article 1218 du code civil, qui dispose : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’(1) un événement échappant au contrôle du débiteur, (2) qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et (3) dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, (4) empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. » L’article 1218 du code civil a repris les critères jurisprudentiels antérieurs d’imprévisibilité et d’irrésistibilité, délaissant le critère d’extériorité.
Les parties sont libres de compléter leurs contrats avec des cas ou circonstances précises, comme devant relever de la force majeure.
Le texte prévoit en outre : « (1) Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. (2) Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. » Beaucoup de contrats aménagent la faculté de résiliation par les parties.
L’Etat a annoncé que le coronavirus COVID-19 devait être traité comme un « cas de force majeure » pour les marchés publics français. En dernière analyse, la détermination de l’existence d’un cas de force majeure relève de l’appréciation souveraine des tribunaux civils ou commerciaux notamment dans les relations entre commerçants ou avec les consommateurs.
Ce n’est pas la première fois que se pose la question du caractère de force majeure d’une épidémie : les juges se sont par exemple prononcés concernant des maladies telles que le chikungunya, Ebola, la dengue, la peste, le SRAS ou encore la grippe A (H1N1).
En pratique, on retiendra que :
- « L’imprévisibilité » de l’événement qualifié de force majeure s’apprécie au jour de la conclusion du contrat. Pour le coronavirus, si la question ne se pose pas pour des contrats anciens, il faudra s’interroger sur le moment à partir duquel l’impact du coronavirus sur le contrat aurait pu (ou dû) être anticipé, et sur les mesures prises en conséquence.
- La gravité et le taux de complication ou de mortalité du virus ainsi que l’existence ou non d’un traitement (ce n’est pas le cas aujourd’hui pour le COVID-19) et la facilité à limiter le risque de contamination (port de vêtements couvrants ou de masques par exemple) devraient être prises en compte pour déterminer si le critère « d’irrésistibilité » est bien rempli. La mise en œuvre de mesures sanitaires par les pouvoirs publics empêchant le débiteur de satisfaire à ses obligations contractuelles est également prise en compte.
- La localisation de l’évènement de force majeure importe dans certains cas. Le principe de précaution peut-il être pris en compte lorsqu’il est question de zones à proximité d’une zone dangereuse ? La question est souvent réglée spécifiquement par les professionnels du tourisme.
- La force majeure ne saurait être invoquée comme prétexte pour échapper à ses obligations contractuelles ; il faut un véritable empêchement. Un lien de causalité entre l’évènement de force majeure et l’inexécution doit être établi. De plus, il faut apprécier la possibilité d’avoir recours à des remplaçants ou à des circuits de substitution, et si les effets peuvent être « évités par des mesures appropriées », comme le prévoit l’article 1218 du code civil.
- Si la force majeure peut empêcher ou retarder l’exécution d’une prestation, la jurisprudence considère qu’elle est sans incidence sur le paiement d’une somme due (sauf si la force majeure rend le débiteur insolvable).
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Imprévision
En dehors du cas de force majeure, la pandémie constitue-t-elle un cas d’imprévision qui permettrait à une partie de renégocier le contrat ?
L’imprévision s’applique dans toute relation contractuelle régie par le droit français (ce n’est pas forcément le cas si le contrat est régi par un autre droit) formalisée depuis le 1er octobre 2016.
Il se peut aussi que, quel que soit le droit applicable, le contrat définisse et régisse, de façon plus ou moins détaillée, extensive ou restrictive, le régime de l’imprévision (en anglais les clauses dites de « hardship ») et ses conséquences sur les parties. Il importe donc d’examiner le contenu de ses contrats, si l’on souhaite invoquer l’imprévision.
L’article 1195 du code civil dispose que « Si un changement de circonstances (2) imprévisible lors de la conclusion du contrat (3) rend l’exécution excessivement onéreuse (4) pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, (5) celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. (6) Elle continue à exécuter ses obligations durant la négociation ».
Certaines parties préfèrent exclure l’application de l’article, se référant à l’acceptation du risque par les contractants.
Le texte prévoit en outre qu’en cas de refus ou d’échec de la renégociation, (1) les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou (2) demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. (3) A défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »
En pratique, beaucoup de parties, plutôt que de laisser le droit commun de l’article 1195 du code civil régir leur contrat, prévoient une clause contractuelle « cousue main », avec des conditions d’application particulières, afin notamment d’éviter de laisser au juge une liberté excessive dans l’aménagement du nouveau régime contractuel post-révision.
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Compte tenu de ce qui précède, il est important pour les entreprises souhaitant faire jouer la force majeure ou l’imprévision, d’examiner avec soin les stipulations du contrat, les circonstances prévalant au moment de la signature du contrat et celles existant au moment où l’on souhaite avoir recours à ces mécanismes.