Cass. Civ., 10 janvier 2018, n°16-22.494

L’affaire dite « Commisimpex » a donné lieu à de nombreuses décisions, dont celle de la première chambre civile de la Cour de cassation du 13 mai 2015 (pourvoi n° 13-17.751) fortement commentée par la doctrine en ce qu’elle abandonnait l’un des critères pour caractériser la renonciation d’un État à son immunité d’exécution.

Elle avait ainsi cassé l’arrêt d’appel au motif qu’il avait annulé la saisie des comptes bancaires d’une mission diplomatique d’un État étranger au motif de l’absence de renonciation expresse et spéciale, alors que « le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution ». Cet arrêt avait fait grand bruit chez les spécialistes de la matière et a également été source d’inquiétudes pour certains États, débiteurs au titre d’une sentence arbitrale audacieuse (pour ne pas dire extravagante).

Dans son arrêt du 10 janvier 2018 (pourvoi n°16-22.494), la première chambre civile de la Cour de cassation revient, heureusement, sur sa précédente décision. Elle annule ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 30 juin 2016 qui, appliquant la décision du 13 mai 2015, avait validé les saisies en considérant qu’une renonciation spéciale n’était pas nécessaire.

Au-delà de la solution apportée par la Cour de cassation, c’est la motivation qui est éclairante. La Cour de cassation semble dédouaner la Cour d’appel de Paris laquelle « s’est conformée à la doctrine de l’arrêt qui l’avait saisie » mais dont la décision sera finalement annulée.

Par ailleurs, la Cour de cassation vise notamment « les règles du droit international coutumier relatives à l’immunité d’exécution des États, ensemble les articles L. 111-1-2 et L. 111-1-3 du Code des procédures civiles d’exécution » et s’en explique de manière détaillée. Au vu de ces dispositions, elle précise ainsi que :

    • la « loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 [loi Sapin 2] a introduit, dans le code des procédures civiles d’exécution, deux nouvelles dispositions » :

 

    • l’article L. 111-1-2 qui codifie d’une certaine manière la notion de biens « spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’État à des fins de service public non commerciales » et considère comme tels notamment les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État ou de ses postes consulaires ;

 

  • la Cour de cassation souligne en outre que l’article L. 111-1-3 ne permet de telles saisies qu’en cas de renonciation expresse et spéciale des États concernés.
  • le législateur est ainsi allé à contre-sens de la doctrine que la Cour de cassation qualifie d’ « isolée » mais a codifié la jurisprudence antérieure (Cass. 1ère civ. 28 septembre 2011, pourvoi n° 09-72.057 ; Cass. 1ère civ., 28 mars 2013, pourvois n° 10-25.93 et n° 11-10.450. [1]

Anticipant le grief qui pourrait lui être fait de se référer à des dispositions non applicables à la saisie objet de la procédure, la Cour de cassation coupe court à tout débat et/ou critique en invoquant « l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des États et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires ». Et d’ajouter que « l’objectif de cohérence et de sécurité juridique impose de revenir à la jurisprudence confortée par la loi nouvelle ».

Si le législateur a posé l’exigence d’une autorisation préalable, la Cour de cassation pose l’exigence d’une renonciation expresse et spéciale et, ce faisant, entend limiter les cas dans lesquels un État pourra être considéré comme ayant renoncé à son immunité d’exécution.

À tous points de vue, « la boucle est bouclée ».

Faisant preuve de pragmatisme et de sagesse, la Cour de cassation complète et/ou poursuit l’œuvre du législateur et la réforme du droit des immunités d’exécution telle qu’envisagée par la loi Sapin 2 qui n’est, en réalité, qu’un alignement de la France avec d’autres pays.
Contact : stephanie.simon@squirepb.com

[1] voir en ce sens : Immunité d’exécution : quand la législation nationale peut venir au soutien du droit international coutumier