Cette nouvelle procédure, applicable aux clauses d’arbitrage conclues à compter du 1er mars 2017, permettra de traiter de façon plus rapide et moins coûteuse les « petits » litiges.
Dans notre précédent article sur la maîtrise de la durée et du coût des procédures d’arbitrage international [1], nous expliquions que les frais associés à ces dernières représentent un facteur important, et souvent crucial, dans le choix des parties de recourir ou non à ce mode de règlement des litiges.
C’est particulièrement le cas lorsque l’enjeu financier des litiges est limité, le contentieux judiciaire pouvant alors représenter une alternative plus économique. Or, les litiges traités par la Chambre de Commerce Internationale (« ICC ») sont de plus en plus souvent limités à moins d’un ou deux millions de USD.
Afin de prendre en compte cette évolution, et toujours sensible aux besoins des parties ayant recours à l’arbitrage, l’ICC a annoncé le 4 novembre 2016 l’adoption d’une version remaniée de son règlement d’arbitrage, introduisant ainsi une nouvelle procédure accélérée et moins coûteuse de traitement des « petits » litiges.
Cette procédure est encadrée par l’article 30 et l’annexe VI de ce nouveau règlement d’arbitrage (le « Règlement »).
Des mesures permettant d’accélérer le règlement des différends et d’en réduire les coûts
La nouvelle procédure accélérée sera applicable à toutes les clauses compromissoires prévoyant un arbitrage ICC conclues à compter du 1er mars 2017.
Elle s’appliquera aux litiges dont l’enjeu financier ne dépasse pas 2 millions de USD et présentera les particularités suivantes :
– le Tribunal arbitral sera composé obligatoirement d’un seul arbitre[1] ;
– les parties ne déposeront pas d’Acte de Mission (« Terms of Reference ») résumant les faits et leurs demandes respectives[2] ;
– une fois le Tribunal arbitral constitué, les parties ne pourront plus, en principe, former de nouvelles demandes[3] ;
– le Tribunal arbitral disposera d’une marge de manœuvre plus importante dans la conduite de la procédure, notamment dans la mesure où il pourra limiter le nombre de mémoires et/ou les demandes de production de pièces[4] ;
– le Tribunal arbitral pourra décider de ne pas tenir d’audience de témoins ou de plaidoiries, le différend étant dès lors tranché uniquement sur la base des mémoires écrits[5] ;
– la sentence arbitrale sera rendue par le Tribunal arbitral dans les six mois suivant la tenue de la conférence sur la gestion de la procédure (« Case Management Conference »), qui devra elle-même avoir lieu dans les quinze jours de la constitution du Tribunal arbitral[6] ;
– les honoraires du Tribunal arbitral seront fixés en fonction d’un barème réduit par rapport à la procédure classique[7].
La procédure accélérée se démarque particulièrement par le recours obligatoire à un seul arbitre pour constituer le Tribunal arbitral. Cet arbitre unique est, en principe, désigné par les parties d’un commun accord[8]. À défaut d’accord dans le délai fixé par le Secrétariat de la Cour, l’arbitre sera désigné par cette dernière[9].
De plus, les arbitres devant trancher des différends sous cette nouvelle procédure accélérée devront être particulièrement vigilants s’agissant de la gestion du temps et des délais. En effet, le calendrier procédural devra être particulièrement bien maîtrisé puisque le Tribunal arbitral sera en principe tenu de rendre sa décision dans les six mois de la « Case Management Conference ».
Les parties devront également être très réactives puisqu’elles devront produire leurs écritures dans des délais resserrés. Les stratégies procédurales dilatoires devront et seront ainsi à proscrire, au risque pour la partie responsable de voir les coûts de la procédure être répartis en sa défaveur par le Tribunal arbitral.
Ces mesures permettront à la Cour de l’ICC de traiter les « petits » litiges plus rapidement et à un coût moindre pour les parties par rapport à la procédure classique. La nouvelle procédure accélérée devrait ainsi contribuer à maintenir la forte attractivité du recours à l’arbitrage sous l’égide de l’ICC, en proposant un cadre procédural adapté aux besoins des parties et aux enjeux de leur différend.
La possibilité « d’opt-out » offerte aux parties
Le nouvel article 30.1 du règlement d’arbitrage de l’ICC précise que les règles encadrant la procédure accélérée « l’emportent » sur toutes « stipulations contractuelles contraires. »
En d’autres termes, dans le silence de leur clause compromissoire, les parties seront désormais réputées avoir accepté le recours à cette nouvelle procédure accélérée lorsqu’elle est applicable, c’est-à-dire lorsque l’enjeu financier du litige estimé par les parties au début de la procédure est inférieur à 2 millions de USD.
Les parties peuvent toutefois exclure contractuellement le recours à la procédure accélérée[10]. Si elles préfèrent recourir à la procédure « classique » plutôt que de se voir appliquer les règles de la procédure accélérée, leur clause compromissoire devra alors l’indiquer expressément.
En cas d’accord entre elles au début ou en cours de procédure, les parties gardent également la possibilité de solliciter que leur litige soit soumis à la procédure classique.
La Cour peut également décider d’office, et au regard des circonstances particulières du différend qui lui est soumis, de ne pas appliquer la procédure accélérée si elle estime que la procédure « classique » est préférable[11].
Il faudra donc désormais s’interroger, lors de la conclusion d’une convention comprenant une clause d’arbitrage devant l’ICC, sur l’opportunité d’exclure ou non le recours à la procédure accélérée. La vigilance sera de rigueur pour éviter les mauvaises surprises puisque, outre ses délais procéduraux resserrés, la procédure accélérée se caractérise notamment par le recours obligatoire à un seul arbitre, contrairement à la procédure classique qui ouvre la possibilité à une composition collégiale du Tribunal arbitral, et par des échanges de mémoires et de pièces plus limités.
Dans le cadre de cette nouvelle procédure, le choix d’un arbitre attentif au bon respect du calendrier procédural et des délais impartis devrait revêtir une importance toute particulière.
La possibilité « d’opt-in » pour les litiges de plus de 2 millions de dollars
Lorsque l’enjeu financier de leur litige dépasse 2 millions de USD, les parties peuvent aussi décider d’un commun accord de soumettre le règlement de ce dernier à la nouvelle procédure accélérée[12].
Cette possibilité sera particulièrement appréciée des parties qui souhaitent mettre rapidement un terme à leur différend, même lorsque l’enjeu financier est plus important.
Il en va de même pour les clauses compromissoires conclues avant l’entrée en vigueur de la version remaniée du Règlement de l’ICC : les parties pourront décider d’un commun accord de l’application de cette nouvelle version du Règlement et de la procédure accélérée qu’elle prévoit. ***
Le texte du nouveau règlement d’arbitrage de l’ICC, dans sa version applicable au 1er mars 2017, est disponible (en anglais) à l’adresse suivante :
www.iccwbo.org/Data/Documents/Business-Services/Dispute-Resolution-Services/Arbitration/Arbitration-Rules/ICC-Rules-of-Arbitration-2017-Revision/
Contact : eduard.salsas@squirepb.com
louis-emmanuel.pierrard@squirepb.com
[1] Article 2 de l’annexe VI du Règlement. [2] Article 3.1 de l’annexe VI du Règlement. [3] Article 3.2 de l’annexe VI du Règlement. [4] Article 3.4 de l’annexe VI du Règlement. [5] Article 3.5 de l’annexe VI du Règlement. [6] Article 3.3 de l’annexe VI du Règlement. [7] Article 4.2 de l’annexe VI du Règlement. [8] Article 2.1 de l’annexe VI du Règlement. [9] Article 2.1 de l’annexe VI du Règlement. [10] Article 30.3(b) du Règlement. [11] Article 1.4 de l’annexe VI du Règlement. [12] Article 30.2(b) du Règlement.