« Hol’looz s’était couché de fatigue accablé ;
Il avait tout le jour travaillé, le Pépère ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Hol’looz dormait auprès des boisseaux vides de blé.

Ce jeune vieillard possédait des champs d’idées et d’orge ;
Il était, quoique pauvre, à la justice enclin ;
Mais il y avait de la fange en l’eau de son moulin ;
Et  de l’enfer aussi dans le feu de sa forge.

Son toupet était noir comme un corbeau d’avril.
Son verbe bien que bavard  n’était pas si haineux;
Quand il voyait passer quelque pauvre envieux :
– Laissez tomber exprès les épices, disait-il.

Cet homme zigzaguait, pur, sur les sentiers obliques,
Vêtu de probité candide et de lin blanc ;
Et, toujours du côté des principes ruisselant,
Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

Hol’looz, nouveau maître, était toujours content ;
De discours  généreux, quoiqu’il fût économe ;
Les français regardaient Hol’looz en majordome
Car le bonhomme est gros, et Pépère n’est pas grand.

Le politique, qui revient vers la source première,
Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;
Et l’on voit de la flamme aux yeux des militants,
Mais dans l’œil du Président on cherche de la lumière.
  Donc, dans l’ennui, Hol’looz dormait parmi les siens ;
Près des veules, à Bercy, Tapie en très grand nombre,
La PJ menait Lagarde et des enquêtes sombres ;
Et ceci se passait dans des temps pas très anciens.

Les tribus françaises avaient pour chefs les juges;
La terre, où l’homme errait dans l’attente, inquiet
Des empreintes digitales, le parquet enquêtait,
Etait mouillée d’affaires encore et molle du déluge.

Comme guettait l’opprobre , comme coulaient les fuites,
L’UMP grimaçait , à l’Elysée Hol’looz méditait;
Or, la porte du ciel s’étant entrebâillée
Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

Et ce songe était tel, qu’ Hol’loz vit une aubaine
Qui, sorti de son ventre, allait jusqu’au ciel bleu ;
Une rose y montait comme une longue figure blême ;
Ayrault chantait en haut, en bas mouraient les vœux.

Et Hol’looz  murmurait avec la voix de l’âme :
 » Comment se peut-il que lui me représente ?
Le chiffre de mes ans a passé soixante,
Je n’ai que deux fils, et n’ai plus guère de flamme.

 » Depuis longtemps Ségo avec qui j’ai dormi,
A tiré ses cartouches, et épuisé les nôtres ;
Nous ne sommes plus emmêlés l’un à l’autre,
Elle a demi vivante et moi mort à demi.

 » Une rose naîtrait de moi ! Comment le croire ?
Comment se pourrait-il que j’eusse de la croissance ?
Quand on est candidat, on a le matin la confiance;
Le jour sort de la nuit comme d’une victoire ;

Mais chef , on tremble de perdre son boulot ;
Président je suis seul et sur moi le soir tombe,
Tant de fourbes, ô mon Dieu c’est l’hécatombe !
Pour rester Commandant, j’ai  sabordé Batho.  »

Ainsi parlait Hol’looz dans le rêve et l’extase,
Tournant vers Tonton ses yeux par le sommeil noyés ;
Le guide ne sent plus une rose à sa base,
Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

Pendant qu’il sommeillait, Marianne, une femen
S’était couchée aux pieds d’Hol’looz, le sein nu,
Espérant on ne sait quel rayon inconnu,
Quand viendrait du réveil une croissance pleine.

Hol’looz ne savait point qu’une femme était là,
Marianne n’ignorait pas que Bercy la ficelle.
Un parfum lourd sortait des touffes d’asphodèle ;
Les souffles de l’ennui flottaient même dans Gala

L’ombre était triviale, mesquine  et cruelle ;
Les affaires y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de vicieux paraissant une séquelle.

La respiration d’Hol’looz qui dormait
Se mêlait au bruit sourd des maliens dans la brousse.
On était dans l’émoi car les sondages s’émoussent,
Et les collines n’avaient plus de lys au sommet.

Mariane songeait, Hol’looz dormait, et l’on broyait du noir ;
Les grelots des ministres palpitaient vaguement ;
Une immense  vacuité  tombait du firmament ;
C’était l’heure difficile où les français n’osent croire.

Tout reposait dans l’urne et quand gérer ma dette;
Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
La croissance fine et claire parmi ces fleurs de l’ombre
Brillait dans le néant, et Marianne songeait,

Immobile, ouvrant l’œil à moitié sous ses voiles,
Quelle malédiction, quel faucheur de l’éternel été,
Avait, en s’éclipsant, durablement bouté
La France hors du champ des étoiles. »
 
Del Basta

D’après Victor Hugo, « Booz endormi »
in « La légende des siècles » : www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre5301.html#page_15