Cass, Soc. 1er mars 2011, n°09-69.616
L’employeur peut être condamné en raison du harcèlement moral commis par un tiers à l’entreprise sur l’un de ses salariés durant l’exécution, par ce dernier, de son contrat de travail. Telle est la nouvelle précision apportée par la Cour de Cassation dans le contentieux, déjà fort dense, en la matière.
En l’espèce, un prestataire extérieur était intervenu au sein d’une société de restauration avec pour mission principale de mettre en place de nouveaux outils de gestion et de former le personnel. A cette occasion, ledit prestataire avait fait subir des pressions répétées à l’une des salariée, la mettant systématiquement à l’écart, omettant de la convier à une réunion où une réorganisation des activités avait été décidée et allant jusqu’à lui déclarer ne plus vouloir d’elle comme collaboratrice…
La salariée, licenciée pour insuffisance professionnelle, a contesté la rupture de son contrat de travail, estimant avoir été victime de harcèlement moral.
La Cour d’appel a rejeté la demande de la salariée au motif notamment que l’auteur désigné du harcèlement moral n’était pas salarié de la société et qu’il n’avait aucun lien hiérarchique ni pouvoir disciplinaire sur cette dernière. A tort, selon les Hauts Magistrats, lesquels refusant d’examiner les rapports du harceleur et de sa victime à la seule lumière du lien contractuel, ont constaté que ce dernier « pouvait, de fait, exercer une autorité sur [la] salariée ».
On ne peut tout d’abord que s’étonner des nombreux commentaires de cet arrêt tendant à affirmer qu’il s’agissait là d’une « extension de la notion de harcèlement moral »…
En effet, est-il encore nécessaire de rappeler que l’employeur a l’obligation de prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral et qu’il est tenu à une obligation de sécurité de résultat envers les salariés exposés à des risques professionnels, notamment en matière de harcèlement moral ?
Plus surprenant encore est la position adoptée par la Cour de cassation.
En effet, en l’espèce, les juges du fond ont écarté la responsabilité de l’employeur au motif qu’il n’existait aucun lien de subordination juridique entre l’auteur du harcèlement moral et sa victime. Or, la notion de lien hiérarchique est totalement étrangère aux dispositions tant légales que jurisprudentielles encadrant le harcèlement moral.
Il eut été ainsi logique que le Cour de cassation écarte cet argument. Pourtant, les Hauts Magistrats ont cru bon de caractériser le harcèlement moral en retenant que le prestataire exerçait, de fait, une autorité sur la salariée.
Est-ce à dire que la responsabilité de l’employeur aurait été écartée si le tiers à l’entreprise, auteur du harcèlement moral, n’avait pas disposé d’une telle autorité sur sa victime ?
Ainsi, dans l’hypothèse où une hôtesse de caisse subissait, durant l’exercice de son contrat de travail, le harcèlement moral d’un client, son employeur pourrait-il être exonéré de toute responsabilité ? On peut légitimement penser qu’il n’en serait rien.