Sur la revente à perte

La première affaire a constaté des prix de revente pratiqués de septembre 2004 à 2005 sur près d’une centaine de produits ; Carrefour ayant pratiqué, pour la revente des dits produits, des prix inférieurs de 0.01 % à 44 % à leur prix effectif figurant sur leur facture d’achat.

L’infraction ainsi commise a été sanctionnée en application de la loi Dutreil et ce malgré l’antériorité des faits.

Le tribunal a relevé que «la revente à perte érigée en système de domination constitue une pratique déloyale restrictive de concurrence ayant pour finalité d’éliminer les distributeurs locaux et d’accaparer le marché pour ensuite pratiquer un prix normal voire supérieur une fois la clientèle captée». Sur le fondement de la revente à perte, Carrefour a été condamné à une amende de 200 000 euros.

Sur la coopération commerciale

Une deuxième affaire a relevé l’existence de contrats uniques de coopération commerciale relatifs à des opérations spéciales mettant en valeur certains produits qui ne prévoyaient que le montant de la rémunération des services rendus sans en préciser le contenu.

Le tribunal a fait une application stricte de l’article L.447-1 du Code de commerce qui dispose notamment qu’un contrat de coopération commerciale doit impérativement indiquer le contenu des services rendus par le distributeur dans un contrat unique.

De même, le tribunal a constaté l’absence de précisions quant à la nature des services distincts dans les contrats conclus avec les fournisseurs. Les objectifs quantitatifs, l’objet des services, le montant des objectifs et la date à laquelle les services étaient disponibles sont au nombre des informations qui auraient dû être précisées.

Sur ce fondement, l’enseigne Carrefour et sa centrale d’achats ont été condamnées à une amende de 150.000 euros, chacune.

Sur la publicité mensongère

Dans le même temps, cette même juridiction a rendu quatre jugements relatifs à des campagnes publicitaires mensongères menées par Carrefour.

Le distributeur avait ainsi procédé une campagne publicitaire portant sur des produits qui n’étaient pas disponibles en quantité suffisante dans les grandes surfaces. Il a également été reproché à Carrefour d’avoir vendu des produits ne comportant pas le prix annoncé ou les caractéristiques affichées dans les catalogues publicitaires.

A ce titre, l’enseigne a été condamnée à une amende d’1.5 million euros.

Les deux premières décisions marquent une volonté affirmée de limiter le développement des marges arrière en s’inscrivant dans la lutte contre la fausse facturation manifeste de services par les grands distributeurs ; les conséquences néfastes d’une telle pratique se reportant indirectement sur les consommateurs, par une hausse des prix à la consommation.

Si la condamnation de Carrefour est plus sévère sur le fondement de la publicité mensongère que sur celui de la revente à perte et des marges arrière, ces décisions n’en sont pas moins significatives. Elles sont intervenues lors du lancement d’un nouveau projet de réforme de la loi initiale dite loi « Galland » par le gouvernement. Cette réforme a pour but notamment de renforcer la concurrence par les prix en permettant la réintégration de toutes les marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte (passage au triple net), d’alléger le formalisme juridique applicable aux relations commerciales et de définir des sanctions appropriées aux manquements (notamment par une dépénalisation des sanctions).

L’idée de cette réforme est de faire baisser les prix à la consommation mais également de favoriser une liberté de négociation des prix entre les distributeurs et les fournisseurs et donc d’assouplir la réglementation en vigueur. Elle ne saurait toutefois voir le jour avant avril 2008, et ne sera certainement applicable qu’aux négociations pour l’année 2009. Ceci laisse un délai suffisant pour poursuivre dans cette voie de la condamnation des grandes enseignes.