CA Paris 22 janvier 2013, Pôle 1, Chambre 3, RG 11/05403

Google constitue aujourd’hui un véritable empire et fédère des millions d’internautes qui, outre le moteur de recherche que l’on connaît tous, utilisent maintenant de nombreux services, tels que Google Actualités, Google Vidéos ou Gmail. Parmi les fonctionnalités de Google, on trouve également le comparateur de prix Google Shopping qui regroupe dans un annuaire des produits mis en vente sur le web.

Le système AdWords permet aux internautes qui le souhaitent, souvent des marchands ou des professionnels, d’acheter des mots-clés auprès de Google. Ces mots-clés, lorsqu’ils sont utilisés par les internautes dans le moteur de recherche Google, entraînent l’affichage de liens commerciaux dans un encart jaune situé au-dessus des résultats de la recherche. Google a, par la suite, souhaité étendre « son champ d’action en matière de commerce » avec la mise en place du système Google Shopping.

Qu’est-ce que Google Shopping ?

Google Shopping est un outil de référencement qu’il faut distinguer des liens commerciaux AdWords apparaissant lors d’une recherche. Ces liens commerciaux s’affichent dans le moteur de recherche et sont financés par la publicité (explicitement présentée comme telle).

Google shopping permet aux internautes de rechercher des offres commerciales de produits. Ceux-ci auront été au préalable référencés par les commerçants, en envoyant leurs fiches de produit à Google qui les recense pour les indexer sur les pages de résultats de Google Shopping. Ce référencement, devient progressivement payant depuis le 13 février 2013.

Sur Google Shopping, la recherche porte donc uniquement sur les produits référencés et les résultats sont basés à la fois sur la pertinence des résultats et sur le référencement.

Lors de l’affichage des résultats, un encart jaune contenant les liens commerciaux AdWords apparaît, au-dessous duquel s’affichent les résultats de produits Google Shopping dans des encarts blancs. Dès lors une confusion importante se fait dans l’esprit des internautes qui pensent voir apparaître, pour les produits situés dans l’encart blanc, des résultats totalement objectifs et représentant tout ce que Google a pu référencer sur internet sur la vente desdits produits. Or, comme expliqué précédemment, pour voir apparaître ces produits, il faut que le marchand se soit au préalable inscrit sur le site.

Google Shopping, responsable de confusion dans l’esprit du consommateur

La société Concurrence, distributeur de matériel électronique, a assigné la société Google pour non-respect des dispositions légales et règlementaires relatives aux publicités en ligne et aux offres à distance. Elle reproche au site Google Shopping de faire apparaître les résultats situés sous l’encart publicitaire jaune comme des résultats objectifs. Or, la société Concurrence prétend que ces résultats sont des annonces publicitaires.

Jusqu’à présent, le site Google Shopping ne se présentait que comme un comparateur de prix. La Cour d’Appel de Paris a censuré cette appellation le 22 Janvier 2013 dernier et a demandé à Google Shopping d’identifier sa nature publicitaire en se fondant sur l’article 20 de la loi pour la confiance en l’économie numérique (LCEN) 1.

Pour la Cour, cette « absence d’identification est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur consultant le site » 2, elle en a déduit qu’il s’agit au regard de l’article 20 de la LCEN « d’un trouble manifestement illicite ».

La société Concurrence n’en est pas à son coup d’essai, puisque elle avait déjà obtenu une décision favorable contre le comparateur de prix Kelkoo en 2011 3. Le consommateur était en effet obligé d’ouvrir plusieurs fenêtres du site Kelkoo.fr pour être informé du fait qu’il se trouvait sur un site publicitaire.

La Cour d’appel est intervenue à bon escient puisque depuis le 13 février 2013, Google a commencé à faire basculer son comparateur de prix sur un système payant. Ce système fausse d’autant plus l’objectivité de Google Shopping que les produits présentés en tête de liste ont été transmis à Google par des marchands ayant payé pour avoir leurs articles référencés. Les marchands encore inscrits à titre gratuit verront leur produit reculer progressivement dans le classement des résultats.


1  . Loi pour la confiance dans l’économie numérique, n° 2004-575, 21 juin 2004, article 20, alinéa 1, JORF n° 143, 22 juin 2004, page 11168 : « Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est réalisée. ».
2 .  Paris, Pôle 1, Chambre 3, RG 11/05403, 22 janvier 2013 : « Considérant qu’il peut ainsi croire que les premières mentions sont des publicités émanant des sites répertoriés tandis que les annonces figurant en dessous sont le résultat de la recherche effectuée par le moteur de GOOGLE et que celles-ci sont recollées de manière exhaustive et objective par celui-ci ; qu’au surplus, les premières se situent dans un cadre de couleur par rapport aux secondes ce qui tend à créer une équivoque sur leur nature de publicités ou non ;
Considérant qu’ainsi l’internaute peut être amené à croire que les secondes répertorient tous les produits vendus correspondant à la demande de manière objective alors qu’en réalité, ne sont présentés que les produits dont le marchand s’est inscrit sur Google shopping ; que cette présentation est susceptible de fausser le jeu de la concurrence ; »
  3 . Cass. com., n° 09-13223, 29 novembre 2011, Non publié au bulletin : « Mais attendu, en premier lieu, que l’article 20 de la loi du 21 juin 2004 dispose que toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle ; qu’ayant constaté que les explications proposées à ce titre par la société Kelkoo sur son site n’étaient accessibles qu’à condition que l’internaute, faisant preuve de curiosité, clique sur des rubriques comme « Qui sommes-nous ? », « plus d’explications sur les résultats », la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre la société Kelkoo dans le détail de son argumentation, a pu retenir que ce cheminement, comportant la nécessité d’ouvrir plusieurs fenêtres, était incompatible avec les dispositions précitées et revêtait un caractère manifestement illicite ; »