Érudition et épicurisme, cette heureuse conjonction – à mon goût – pourrait résumer tant la personnalité que l’oeuvre de Gérard Oberlé.

Dans « Itinéraire spiritueux »[1] il évoque ses racines, dans la région de Dabo, un bourg forestier des Basses Vosges, en Lorraine, pays un peu sauvage où l’alcoolisme a exercé des ravages chez des hommes rudes à la tâche. Des études de latin et de grec mènent notre auteur vers l’enseignement mais il fuit très vite les « camelots de la pédagogie officielle ». C’est un esprit trop libre et, épris de poésie, il veut le rester. Écrit dans une langue exubérante, exigeante et savante qui s’autorise cependant toutes les licences, Itinéraire spiritueux est un éloge bachique fait de rencontres et de célébrations, celles des vins et des liqueurs et, avant tout, celles des êtres magnifiques qui les lui ont fait connaître.

Plus intimiste et moins tonitruant « Retour à Zornhof »[2] est une sorte d’autobiographie dispersée dans un récit nostalgique d’une grande sensualité d’où émergent la force d’un terroir et l’ascendant de certaines fortes personnalités tel, par exemple, cet oncle rejeté par le reste de la famille, un propre à rien amoral et charmeur, buveur et noceur sans foi ni loi pour lequel notre auteur montre, enfant, une affection et une admiration particulières.

Si l’amour d’une langue rigoureuse et créative à la fois illumine les deux titres précédents, l’érudition de Gérard Oberlé, par ailleurs auteur de bibliographies spécialisées, marchand de livres d’occasion très avisé et éditeur occasionnel, s’illustre dans le roman « Mémoires de Marc-Antoine Muret »[3], texte apocryphe, d’autant que la production de cet humaniste fut rédigée entièrement en latin et ne comporte pas de texte autobiographique. C’est dans un style toujours aussi raffiné que le lecteur découvre la vie d’un personnage certes moins célèbre que les poètes de la Pléiade dont il fut pourtant le professeur ou le condisciple. Par ailleurs sa liberté de parole et de moeurs valut à Muret des poursuites et l’exil. Outre l’évocation d’une figure méconnue, on entre dans une époque dont on sait l’extraordinaire foisonnement.

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[1] Grasset et Fasquelle 2006 Le Livre de Poche
[2] Grasset et Fasquelle 2004 Le Livre de Poche
[3] Grasset et Fasquelle 2009