L’année 2006 a vu son flot habituel de décisions jurisprudentielles en matière de garantie des vices cachés due en principe par le vendeur à l’acquéreur du bien. Il est encore essentiellement question de la distinction entre vice caché et vice apparent et de la mise en jeu des actions indemnitaires dites estimatoires rédhibitoires.

Notons que la confusion entre la garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance ne semble pas s’être encore atténuée : jusqu’à l’ordonnance du 17 février 2005, l’action en garantie des vices cachés devait être diligentée à « bref délai », ce qui incitait souvent les tribunaux, pour des raisons d’équité, à requalifier le vice en « manquement à l’obligation de délivrance conforme » soumis à la prescription de droit commun lorsque l’acquéreur avait tardé à introduire son action. Le « bref délai » ayant été remplacé par un délai de 2 ans à compter de la découverte du vice, nous espérons que cette pratique s’estompera peu à peu dans les années à venir.

Vice apparent ou vice caché ? Confirmation de l’étendue des diligences de l’acquéreur

La distinction légale entre un vice caché et un vice apparent se déduit des articles 1641 et 1642 du Code civil.

Selon le premier, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquises, ou n’en aurait donnée qu’un moindre prix, s’il les avait connu ». De son coté, l’article 1642 dispose que « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même ».
Différentes décisions rendues l’année dernière par la Cour de cassation confirme que la garantie des vices cachés est exclue si le vice était connu de l’acquéreur en dehors même de sa constatation (par exemple en cas d’information claire donnée par le vendeur) ou si l’acheteur a pu se convaincre par lui-même de l’existence du vice, ce qui implique qu’il ait pu visuellement constater l’existence du défaut.

La Cour de cassation est venue confirmer que les acquéreurs profanes et professionnels ne sont pas égaux sur ce terrain : alors qu’il appartient à l’acquéreur profane de procéder à des investigations « élémentaires » correspondant à un « examen normalement attentif », l’acquéreur professionnel doit s’entourer des précautions nécessaires (y compris faire appel à l’homme de l’art) pour s’assurer de l’inexistence de défauts dissimulés. Dans le cas de la vente à un profane d’une maison dont la charpente était infectée d’insectes xylophages et dont certaines des tuiles étaient gélives, il a été retenu qu’il n’appartenait pas à l’acquéreur de procéder aux vérifications de ces éléments dont l’accès était « difficile mais pas impossible » (Plén. 27 oct. 2006).

Validité des clauses limitant ou excluant la garantie des vices cachés

Les clauses limitant ou excluant la garantie des vices cachés sont valables non seulement entre professionnels, mais également à l’encontre d’un non-professionnel. Toutefois, de telles clauses ne peuvent pas être utilement invoquées par le vendeur de mauvaise foi, c’est-à-dire celui qui connaissait l’existence du vice au moment de la vente et qui l’a dissimulé à l’acquéreur (CA Agen, 6 déc. 2005).

Restitution du bien ou diminution du prix

L’article 1644 du Code civil laisse à l’acquéreur du bien le choix « de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts ». La première action est appelée « action rédhibitoire » et la seconde « action estimatoire ».

Par 4 arrêts du 21 mars 2006, la première chambre de la Cour de cassation est venue préciser l’étendue du périmètre de l’indemnisation de l’acquéreur ayant choisi la voix de l’action rédhibitoire.

L’acquéreur a ainsi droit à l’indemnisation du prix payé et au remboursement des frais directement liés à l’acquisition mais il n’est pas en droit d’exiger du vendeur le remboursement des frais de conservation et d’entretien du bien.

Par ailleurs, le vendeur n’a pas droit à percevoir une indemnité liée à l’utilisation ou à l’usure du bien. Ce point est assez surprenant dans la mesure où, si l’acquéreur fonde son action sur le défaut de délivrance conforme du bien acquis – c’est-à-dire au moyen de l’action en résolution de droit commun – le vendeur a alors droit au paiement d’une indemnité pour la dépréciation du bien.

Ainsi, l’acquéreur d’un véhicule automobile qui agit contre son concessionnaire sur le fondement de l’action rédhibitoire en raison des nombreux dysfonctionnements de ce véhicule peut obtenir le remboursement intégral du prix d’achat sans que celui-ci soit affecté par la cote de l’argus au jour de la restitution du véhicule, et quand bien même cet acquéreur aurait parcouru plusieurs dizaines de milliers de kilomètres avec celui-ci comme c’était le cas dans les deux premières espèces.

Quant à l’action estimatoire, la Cour de cassation a été amenée à rappeler que celle-ci a pour fonction de remettre l’acheteur d’un bien atteint d’un vice dans la situation d’un détenteur de bien non atteint d’un tel vice (Civ. 3ème, 1er février 2006). Ainsi, alors que le rapport d’expertise avait conclu que la valeur du bien atteint du vice demeurait supérieure à la valeur d’acquisition, la Cour a confirmé que l’acquéreur devait dans ce cas être indemnisé du montant des travaux nécessaires pour remédier à ce vice.

C’est peu dire que l’acquéreur d’un bien atteint d’un vice caché peut parfois faire une bonne affaire !