Crim. 15 décembre 2015, F-P+B, n°13-81.586

Par un arrêt du 15 décembre 2015, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a entériné la condamnation d’une compagnie aérienne pour refus de fourniture d’un service à raison d’un handicap et subordination de prestation de service à une condition discriminatoire fondée sur le handicap.

En l’espèce, trois passagers ont porté plainte contre une compagnie aérienne suite à une décision de refus de leur embarquement au motif qu’ils n’étaient pas autorisés à voyager seuls dans les avions de cette compagnie.

En matière de transport aérien de personnes handicapées et de personnes à mobilité réduite, le règlement (CE) n° 1107/2006 pose en son article 3 le principe d’interdiction de toute discrimination fondée sur le handicap.

Il existe néanmoins une dérogation prévue par l’article 4 dudit règlement, dont se prévalait en l’espèce la compagnie aérienne, qui permet à un transporteur aérien, son agent ou un organisateur de voyage « d’exiger qu’une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite se fasse accompagner par une autre personne capable de lui fournir l’assistance qu’elle requiert ».

Cependant, la Chambre criminelle a estimé que cette dérogation ne s’applique qu’à la condition que puissent être avancés par la compagnie aérienne « des motifs de sécurité justifiés et imposés par le droit » conformément au considérant 2 du règlement susvisé (nous soulignons).

En l’espèce, deux raisons s’opposaient à ce que la compagnie aérienne puisse se retrancher derrière la dérogation de l’article 4.

(1) Tout d’abord, la compagnie aérienne ne justifiait pas d’éléments de nature à démontrer que son refus d’embarquement était imposé par la loi et lié à des impératifs de sécurité. À ce titre, la Cour de cassation a retenu que la compagnie ne justifiait pas avoir fait une analyse individuelle de la situation de chacun des trois passagers lesquels voyageaient fréquemment seuls sur d’autres compagnies aériennes.

(2) Ensuite, la Cour de cassation a estimé que quand bien même de tels impératifs de sécurité seraient démontrés, encore faudrait-il que la compagnie puisse démontrer qu’elle n’était pas en mesure d’y répondre.
En effet, le règlement (CE) n°1107/2006 impose tant aux transporteurs aériens qu’aux entités gestionnaires des aéroports une obligation d’assistance adaptée aux besoins spécifiques des voyageurs concernés notamment par la formation du personnel (article 11).

La chambre criminelle a aussi retenu que c’est « précisément en raison du manque de formation de son personnel aux besoins des personnes à mobilité réduite que la [compagnie aérienne], méconnaissant ses obligations, a opposé les refus d’embarquement ».

Or, en l’espèce, la condition discriminatoire était confirmée par l’existence d’une réglementation interne prévoyant qu’une personne handicapée ne peut être embarquée en fauteuil roulant à bord d’un aéronef sans être accompagnée.

Si les circonstances de cet arrêt ne se prêtent pas nécessairement à la généralisation, sa publication au bulletin démontre un souci accru du respect des droits des passagers en situation de handicap ou de mobilité réduite.

Il en ressort que ce souci doit avant tout passer par la formation du personnel si les compagnies aériennes veulent éviter des amendes qui peuvent s’avérer lourdes (70 000 euros en l’espèce) ainsi que des mesures de publication.
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