Cass. civ. 3ème, 29 novembre 2018, n°17-27798

Les parties peuvent prévoir valablement que le loyer minimum garanti d’un loyer binaire au moment du renouvellement d’un bail commercial soit déterminé conformément aux dispositions du Code de commerce.

Le renouvellement constitue l’un des rares moments où le loyer d’un bail commercial peut être modifié, dans certaines circonstances particulières de manière significative, en dehors de l’application de l’indexation annuelle lorsque celle-ci est prévue au bail ou à l’occasion de la mise en œuvre de la révision triennale légale (article L.145-38 du Code de commerce) ou de la révision dite L.145-39 du Code de commerce.

À défaut d’un accord amiable, la fixation du loyer de renouvellement est régie par les dispositions des articles L.145-33 et suivants du Code de commerce : le loyer de renouvellement correspond à la valeur locative, sauf les hypothèses où celui-ci sera plafonné.

Il convient de rappeler que les dispositions du Code de commerce relatives à la détermination du loyer du bail renouvelé ne sont pas d’ordre public. Ainsi, les parties à un bail commercial peuvent, dès sa conclusion, convenir de stipulations particulières régissant la détermination du loyer au moment du renouvellement (plancher de loyer, définition contractuelle de la valeur locative excluant notamment la prise en compte des valeurs judiciaires de renouvellement etc.).

En matière de loyer d’un bail commercial, deux systèmes coexistent : le loyer fixe et le loyer chiffre d’affaires/binaire ou la clause recette. Ce deuxième système, que l’on retrouve pour les boutiques et, de manière usuelle, dans les centres commerciaux, organise un loyer fondé sur le chiffre d’affaires réalisé par le locataire dans les locaux avec, le plus souvent, un loyer minimum garanti au bailleur.

Les dispositions du Code de commerce sur la fixation du loyer du bail renouvelé n’envisagent que l’hypothèse d’un loyer fixe. La question s’est alors posée de savoir si le loyer binaire entrait dans le champ d’application de ces dispositions et pouvait faire l’objet d’une fixation judiciaire selon les prévisions des articles L.145-33 et suivants du Code de commerce.

C’est dans ce contexte que la jurisprudence dite « Théâtre Saint-Georges » (Cass. civ. 3ème, 10 mars 1993, n°91-13.418) a conclu que le loyer binaire « échappe aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 ».

En réaction, la pratique, en l’absence de caractère d’ordre public des dispositions visant la fixation de loyer du bail renouvelé, a introduit dans les baux commerciaux des stipulations particulières ayant pour objet de soumettre conventionnellement la détermination du loyer minimum garanti aux dispositions du Code de commerce, le loyer minimum garanti étant fixé à la « valeur locative ».

Cette organisation contractuelle spécifique a, dès lors, été confrontée à l’épreuve du juge. Après diverses hésitations et dans la ligne de deux arrêts de 2016, la Cour de cassation par un arrêt du 29 novembre 2018 (n°17-27.798) a confirmé que la stipulation d’un loyer binaire avec minimum garanti « n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour évaluer, lors du renouvellement, la valeur locative déterminant le minimum garanti ».

En conséquence et pour éviter toute difficulté au moment du renouvellement, il convient de stipuler aux baux commerciaux comportant un loyer binaire/chiffre d’affaires/clause-recette que le loyer minimum garanti sera déterminé, faute d’accord entre les parties, à la valeur locative conformément et en application des dispositions du Code de commerce, étant précisé que les parties pourront prévoir certaines dérogations quant à la méthodologie qui sera retenue par l’expert judiciaire désigné par le juge des loyers pour fixer le loyer de renouvellement.

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