Il est encore temps de lire Composition française de Mona Ozouf . A présent que s’apaisent les rumeurs d’un « débat », jugé opportun par certains, sur l’identité nationale, ce « retour sur une enfance bretonne » – comme est sous-titré le dernier ouvrage de son auteur- offre une belle matière à réflexion.
On connaît la collaboratrice de longue date du Nouvel Observateur, l’historienne dont la passion et la science s’appliquent avec un égal bonheur à la Révolution, à l’école et aux femmes principalement.
Dans ce qui pourrait constituer un premier volume de Mémoires, on peut être touché le plus, comme je l’ai été, par la part intime de cette enfance qui occupe la plus grande part du livre. Une enfance « superlativement bretonne », marque brève mais incisive d’un père instituteur, militant de la langue bretonne, disparu très prématurément. Cet héritage sera concurrencé par les leçons impérieuses de l’école française, mais la laïque, la « sans Dieu », celle de la mère, institutrice, élevant sa fille unique avec l’aide de sa propre mère. Cette grand-mère y ajoutera les leçons de l’église.
Conduite à reconsidérer l’austère commandement qui incite les historiens à s’absenter de l’histoire qu’ils écrivent, l’auteur transgresse le commandement pour donner à lire une « composition française », un portrait attachant, une identité complexe mêlant les racines bretonnes, l’école républicaine, l’enseignement de l’église.
Ce livre d’une historienne fourmille de références, elle explore la bibliothèque de son père engagé, elle cite ses nombreuses lectures d’enfant solitaire. Quelques grandes figures le traversent : Ernest Renan et, plus près d’elle, Louis Guilloux.
L’analyse que fait Mona Ozouf de la coexistence d’une « nation politique, sûre d’elle-même et dominatrice » et d’une « nation culturelle » élève à une vraie hauteur le « débat » évoqué en introduction.