En l’espèce, une salariée autrichienne avait été informée par son employeur de son licenciement après que la fécondation in vitro ne soit intervenue mais avant que les ovules fécondés n’aient été transférés dans son utérus.
La salariée n’avait fait part à son employeur de son traitement de fécondation artificielle qu’après avoir été informée de son licenciement.
Après deux décisions contradictoires rendues en première instance et en appel, la juridiction autrichienne Oberster Gerichtshof, statuant sur un pourvoi en révision de l’arrêt d’appel a posé à la CJCE une question préjudicielle formulée de la manière suivante :
« Une travailleuse qui se soumet à une fécondation in vitro est-elle, si, au moment où son licenciement est prononcé, ses ovules ont déjà été fécondés par les spermatozoïdes de son partenaire et donc s’il existe déjà des embryons in vitro, mais que ceux ci n’ont cependant pas encore été transférés chez la femme, une « travailleuse enceinte ».
Etait ainsi demandé à la CJCE d’interpréter la Directive communautaire [92/85] relative aux mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail, laquelle définit en son ’article 2 a) la notion de travailleuse enceinte comme :
« toute travailleuse enceinte qui informe l’employeur de son état, conformément aux législations et/pratiques nationales. »
La Cour a d’abord rappelé que dans le cadre de la présente procédure préjudicielle, elle n’avait pas à aborder des questions de nature médicale ou éthique mais devait se limiter à une interprétation juridique des dispositions pertinentes de la Directive 92/85.
Elle a par la suite souligné l’impératif de sécurité juridique notamment au regard du fait que dans certains pays de la Communauté et notamment en vertu de la législation autrichienne en cause « les ovules fécondés et les cellules qui sont issues de ceux-ci, peuvent être conservées durant une période pouvant aller jusqu’à dix ans ».
C’est ainsi en grande partie au regard de la notion de sécurité juridique que la Cour a estimé que la protection instituée par l’article 10 de la Directive ne saurait être étendue à une femme qui, a la date de son licenciement, avait bien procédé à une fécondation in vitro, mais dont le transfert des ovules fécondés dans l’utérus n’avait pas encore été effectué.
La Cour ne s’est toutefois pas contenté de répondre à cette première question.
En effet, les gouvernements héllénique et italien, ont posé une question incidente, au cours de la procédure, en se fondant sur la Directive 76/207/CEE relative à l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi.
Leur question était de savoir si en cas de licenciement d’une travailleuse en cours de traitement par fécondation in vitro, celle-ci pourrait « éventuellement se prévaloir de la protection contre la discrimination fondée sur le sexe ».
Pour y répondre, la Cour a d’abord fait référence à sa jurisprudence antérieure aux termes de laquelle le licenciement pour cause de grossesse ou pour une cause fondée essentiellement sur cet état ne peut concerner que les femmes et constitue, dés lors, une discrimination directe fondée sur le sexe (notamment CJCE Brown C 394/96).
La Cour en a logiquement déduit que l’intervention en cause dans la présente affaire, à savoir une ponction follicullaire et le transfert dans l’utérus de la femme des ovules issues de cette ponction immédiatement après leur fécondation, ne concerne directement que les femmes.
Dés lors, selon la CJCE, le licenciement d’une travailleuse essentiellement fondé sur le fait qu’elle a subi un traitement à un stade avancé de fécondation in vitro (à savoir entre la ponction folliculaire et le transfert immédiat des ovules fécondés in vitro dans l’utérus) constitue une discrimination au sens du droit communautaire.
Selon nous, la Cour a adopté une solution permettant de concilier l’impératif de sécurité juridique avec celui d’une protection accrue des salariées souhaitant recourir à un traitement médical de fécondation.
Du point de vue des juridictions nationales, l’incidence de cet arrêt porte essentiellement sur les règles de preuve.
En effet, en cas de litige, le licenciement d’une femme ayant procédé à une fécondation in vitro ne sera pas automatiquement considéré comme nul, la date du transfert des ovules fécondés ou de leur nidation pouvant dès lors être déterminante quant au déclenchement du statut protecteur de la salariée enceinte.
Reviendra alors également aux juges du fond, la tâche délicate d’apprécier les éléments de preuve versés aux débats par les parties pour déterminer d’une part si le traitement de fécondation in vitro en était à un stade avancé et surtout si le licenciement litigieux a effectivement été fondé sur le traitement subi par la salariée.