Au moment de la rédaction de cet article, le Royaume-Uni ne semble pas plus fixé sur son sort à l’issue du Brexit, que le 23 juin 2016, date à laquelle les citoyens britanniques ont voté en faveur de la sortie de l’Union européenne. Le Parlement anglais doit encore approuver un accord de retrait entre l’UE et le gouvernement britannique, et la date limite de sortie du Royaume-Uni de l’UE, le 29 mars 2019, approche inexorablement.

L’UE n’a donné aucune indication suggérant une réouverture des négociations. Nous nous acheminons soit vers une extension de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne (ce qui retarderait le Brexit), soit vers un « hard Brexit », sortie brutale du Royaume-Uni de l’UE, si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un accord de retrait. Si tel est le cas, aucune période de transition ne sera mise en œuvre et les régimes juridiques seront modifiés avec application immédiate. L’option d’un « no deal » n’est pas à exclure.

La Commission européenne a récemment publié un avis sur les modifications à apporter aux règles de compétence internationale, s’agissant notamment de la reconnaissance et de l’exécution des jugements britanniques dans le cas d’un scénario de sortie sans accord. Il faudra être vigilant dans la rédaction des clauses de juridiction.

Compétence – procédures engagées avant le Brexit

Même dans le cas d’un « no deal » Brexit, il existe des circonstances dans lesquelles les règles européennes en vigueur continueront de s’appliquer. Si des poursuites sont engagées contre un défendeur domicilié au Royaume-Uni et si la procédure est pendante devant les tribunaux d’un État membre de l’UE27 à la date du retrait du Royaume-Uni, les règles de compétence de l’Union régiront l’affaire.

Compétence – procédure engagée à la suite du Brexit

Si la procédure est engagée après le retrait du Royaume-Uni, les règles de l’UE cesseront de s’appliquer. La compétence sera alors déterminée selon les lois de l’État membre où la procédure est engagée.

Cependant, le Royaume-Uni a indiqué son intention d’adhérer à la convention de La Haye de 2005 sur les accords d’élection de for, s’il se retire de l’Union sans qu’un accord ait été trouvé. Cette démarche garantirait l’effet des accords de compétence exclusive et constituerait une sécurité juridique pour les parties exerçant des activités transfrontalières.

Exécution des jugements

L’exécution d’un jugement britannique, en l’absence d’une clause de compétence exclusive, sera plus difficile.

L’exécution d’un jugement britannique devant un tribunal de l’UE27 sera fondée sur la délivrance d’une exequatur dans l’UE avant la date de retrait du Royaume-Uni. Une exequatur est une déclaration permettant l’exécution d’un jugement rendu par un tribunal étranger. Si cette déclaration a été faite avant la sortie du Royaume-Uni, mais que le jugement n’a pas encore été exécuté, la Commission a donné aux tribunaux des États membres le pouvoir d’exécuter le jugement britannique.

Si l’exequatur n’est pas délivrée avant la date de retrait, les règles de l’UE ne seront plus applicables, même si un jugement a été rendu ou si une procédure d’exécution est engagée avant la sortie du Royaume-Uni. Ce sont alors les lois des États membres qui s’appliqueront à l’exécution. Il en va de même pour les procédures engagées postérieurement au Brexit.

Attention à vos contrats !

Les scénarios ci-dessus doivent être pris en compte par les entreprises de l’UE. Les parties britanniques n’auront plus la garantie d’obtenir un recours à l’étranger, surtout en l’absence d’une clause de compétence exclusive. Les règles uniformes et de réciprocité du droit de l’UE ne seront plus appliquées, et les demandeurs dépendront de la législation des États membres pour exécuter un jugement. Certains États membres ne disposent même pas de règles nationales permettant la reconnaissance des décisions rendues à l’extérieur de l’UE ou de l’EEE, ce qui rend la situation encore plus floue.

Dans le cas d’un « Brexit dur », la méthode la plus efficace pour permettre l’exécution d’une décision reste une clause contractuelle de compétence exclusive. Les parties seraient bien inspirées d’examiner en amont, dès aujourd’hui, la validité de leurs contrats et des clauses de compétence tout en surveillant de près les décisions du Parlement britannique dans les jours qui suivront le « no deal ». Dans un tel scénario, le Royaume-Uni devra agir rapidement pour mettre en œuvre les accords internationaux permettant une application transfrontalière.

L’horloge tourne…

Contact : antoine.adeline@squirepb.com