Cass. 1ère civ. 12 mai 2011, n°08-20651
Ce documentaire qui met en lumière le quotidien des « classes uniques » (qui regroupent, autour d’un seul maître d’école, tous les enfants d’un même village de la maternelle au CM2) finira-t-il un jour de faire parler de lui ?
Après que l’instituteur, Georges Lopez, filmé dans ce documentaire, ait été débouté de ses demandes visant à lui reconnaître des droits d’auteur au titre de sa qualité d’artiste-interprète, la Cour de cassation ayant, par arrêt du 13 novembre 2008, estimé que « l’instituteur apparaissait exclusivement dans la réalité de son activité sans interpréter pour autant, au service de l’œuvre, un rôle qui ne serait pas le sien ».
Le même arrêt avait également approuvé la Cour d’appel en ce qu’elle avait refusé de reconnaître à l’instituteur la qualité de co-auteur du film, aux motif que les leçons étaient dépourvues d’originalité, ne révélant « aucun choix inédit d’exercices ou de textes susceptibles de donner prise au droit d’auteur », et que ce dernier s’était borné à adopter une attitude spontanée sans avoir « contribué aux opérations intellectuelles de conception, de tournage et de montage », contrairement au réalisateur auquel la qualité d’auteur revient naturellement.
Nous n’aborderons pas ici les actions judiciaires de George Lopez devant le Conseil de prud’hommes, la Cour d’appel, la Cour de cassation puis la CEDH (qui s’est déclarée incompétente par décision du 13 avril 2010) visant à voir reconnaitre l’existence d’un contrat de travail entre lui et la société de production, en vain.
Ce 12 mai 2011, c’est sur le sort du dessinateur et illustrateur de la méthode de lecture utilisée en classe que la Cour de cassation a été amenée à se prononcer. Celui-ci avait en effet assigné en contrefaçon le producteur du film « Être et Avoir » pour avoir reproduit et représenté dans le film les illustrations de la méthode de lecture « Gafi le fantôme » dont il est l’auteur.
Cet arrêt est intéressant en ce qu’il offre une application de la théorie de l’accessoire que la Cour de cassation avait déjà utilisée dans un arrêt du 15 mars 2005 (n°03-14820) s’agissant de quatre éditeurs de cartes postales assignés en contrefaçon par les auteurs de l’aménagement de la Place des Terreaux à Lyon, pour avoir diffusé sans leur autorisation ni mention de leur nom, des vues représentant la Place.
La Cour de Cassation, tout en soulignant que « les illustrations en question ne sont que balayées par la caméra et vues de manière fugitive », apparaissant par brèves séquences mais ne sont « jamais représentées pour elles-mêmes » et qu’elles font corps au décor dont elle constituent un élément habituel, approuve la Cour d’appel (qui réformait la décision des juges du fond ayant condamné le réalisateur) selon laquelle « une telle présentation de l’œuvre litigieuse était accessoire au sujet traité résidant dans la représentation documentaire de la vie et des relations entre maître et enfants d’une classe unique de campagne, de sorte qu’elle devait être regardée comme l’inclusion fortuite d’une œuvre, constitutive d’une limitation au monopole d’auteur ».
C’est ici l’occasion pour la Cour de rappeler que cette limitation au monopole d’auteur s’entend « au sens de la Directive 2001/ 29 CE du 22 mai 2001, telle que le législateur a, selon les travaux préparatoires, entendu la transposer en considération du droit positif ».