Ordonnance n°2019-1067 du 21 octobre 2019 modifiant les dispositions relatives aux offres au public de titres
Décret n°2019-1097 du 28 octobre 2019 modifiant les dispositions relatives aux offres au public de titres
Le Règlement 2017/1129/UE concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, dit Règlement Prospectus (le « Règlement »), est entré en vigueur le 21 juillet 2019. L’ordonnance n°2019-1067 du 21 octobre 2019 (l’« Ordonnance ») a aligné les dispositions du droit national avec celles du Règlement.
Définition de l’offre au public de titres
L’article L.411-1 du Code monétaire et financier (« CMF ») renvoie à l’article 2, d) du Règlement Prospectus pour définir l’offre au public de titres financiers ou de parts sociales. Elle peut-être :
- un placement de valeurs mobilières par des intermédiaires financiers ; ou
- une communication adressée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou souscrire ces valeurs mobilières.
Offres au public non soumises au Règlement Prospectus
Le droit national ne comprend plus de définition négative de l’offre au public[1]. En effet, le Règlement procédant par dérogation, le législateur national s’est aligné sur cette méthode. Le Règlement prévoit que ses dispositions ne s’appliquent pas aux deux types d’offres au public suivantes :
- une offre au public de valeurs mobilières dont le montant total dans l’Union Européenne (« UE»), calculé sur une période de douze mois, est inférieur à un million d’euros[2] ;
- les offres qui portent sur les valeurs mobilières suivantes[3]:
– les parts émises par des organismes de placement collectif du type autre que fermé ;
– les titres autres que de capital émis par un État membre ou par l’une des autorités régionales ou locales d’un État membre, par les organisations publiques internationales auxquelles adhèrent un ou plusieurs États membres, par la Banque centrale européenne ou par les banques centrales des États membres ;
– les parts de capital dans les banques centrales des États membres ;
– les valeurs mobilières inconditionnellement et irrévocablement garanties par un État membre ou par l’une des autorités régionales ou locales d’un État membre ;
– les valeurs mobilières émises par des associations bénéficiant d’un statut légal ou par des organismes à but non lucratif, reconnus par un État membre, en vue de se procurer les moyens nécessaires à la réalisation de leurs objectifs non lucratifs ; et
– les parts de capital non fongibles dont le but principal est de donner au titulaire le droit d’occuper un appartement ou une autre forme de propriété immobilière ou une partie de ceux-ci, lorsque les parts ne peuvent être vendues sans renoncer au droit qui s’y rattache.
Condition d’autorisation
Principe : L’article L.411-1 du CMF interdit à toute personne ou entité n’y ayant pas été autorisée par la loi de procéder à une offre au public de titres financiers ou de parts sociales.
Dérogations : Par dérogation à l’interdiction édictée à l’article L.411-1 du CMF, l’article L.411-2 du même code autorise toute personne ou entité à procéder aux offres au public dans les cas suivants :
- une offre de titres financiers ou de parts sociales qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs[4] agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés[5];
- une offre au public relevant du financement participatif dont le plafond est fixé à 8 millions d’euros ; et
- une offre de titres de capital ou de parts qui s’adresse exclusivement à des personnes ou entités qui ont déjà la qualité d’associés de la société émettrice des titres de capital ou des parts sociales offerts.
La nouvelle rédaction de cet article apporte des clarifications sur la possibilité pour les sociétés de personnes (SNC et SCS) et les SARL de procéder à une offre de leurs parts sociales dans ces trois hypothèses. En effet, l’ancien article L.411-1 du CMF, auquel renvoyait l’ancien article L.411-2 du même code, faisait uniquement référence aux offres de titres financiers, et non de parts sociales.
De plus, le Code de commerce prévoit toujours des dérogations à l’article L.411-1 du CMF spécifiques à certaines formes de sociétés[6].
La réforme a en outre opéré des modifications relatives à la dérogation dont bénéficient les SAS pour émettre des offres de valeurs mobilières à destination de leurs administrateurs ou salariés anciens ou existants. En effet, avant l’Ordonnance, ces sociétés ne pouvaient pas contraindre les souscripteurs d’une telle offre à respecter des clauses d’agrément ou d’inaliénabilité[7]. Depuis la réforme, ces clauses statutaires ont vocation à s’appliquer, de sorte qu’il est désormais possible pour les SAS de contraindre les souscripteurs de l’offre à conserver les valeurs mobilières acquises pendant une certaine durée.
Par ailleurs, l’Ordonnance a allégé les obligations pesant sur les SAS réalisant de telles offres. Le Code de commerce prévoyait qu’elles devaient se conformer aux règles de consultation des actionnaires prévues dans les SA (étaient notamment visées les modalités de délibération et de convocation des actionnaires)[8]. Depuis l’Ordonnance, les SAS ne sont plus soumises à cette obligation lorsqu’elles procèdent à une offre de valeurs mobilières à destination de leurs administrateurs ou salariés anciens ou existants.
Dérogations à l’obligation de publication d’un prospectus
Il existe dorénavant trois dérogations à l’obligation d’établir un prospectus en cas d’émission de titres à destination du public. Il faut noter que ces offres étaient déjà, avant l’Ordonnance, dispensées de l’obligation d’établir un prospectus ou bien non considérées comme étant constitutives d’offres au public :
- L’offre au public de titres spécifiques[9], dont notamment :
– les valeurs mobilières proposées uniquement à des investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs ;
– les titres dont la valeur unitaire s’élève au moins à 100.000€ ;
– les valeurs mobilières proposées qui sont acquises pour un montant total d’au moins 100.000€ par investisseur et par offre ;
– les actions émises en substitution d’actions de même catégorie déjà émises (si l’émission n’entraine pas d’augmentation de capital), ou offertes dans le cadre d’une offre publique d’échange, ou attribuées à l’occasion d’une fusion ou d’une scission ; et
– les dividendes payés aux actionnaires existants sous la forme d’actions de même catégorie que celle donnant droit à ces dividendes ;
- Les offres au public de titres pour un montant inférieur à 8 millions d’euros[10]:
Le montant total, en France et dans l’UE, est calculé sur une période de 12 mois à partir de la date de la première offre[11]. Néanmoins, à défaut de prospectus, un document d’information synthétique (DIS) doit être établi, excepté pour les offres portant sur des parts ou actions d’organismes de placement collectif[12]. Bien qu’il ne soit pas revu par l’AMF, le DIS doit lui être transmis avant la réalisation de l’offre, et respecter les dispositions de l’article 212-44 du Règlement Général de l’Autorité des marchés financiers (« RG AMF »).
- Les offres au public de titres relevant du financement participatif[13]:
Il s’agit de titres de capital ou de créances non admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, proposés par un prestataire de services d’investissement ou un conseiller en investissements participatifs au moyen d’un site internet d’accès progressif[14] répondant aux caractéristiques de l’article 325-48 du RG AMF. Le montant total de l’offre doit être inférieur à 8 millions d’euros, calculé sur une période de 12 mois. L’établissement d’un document d’information règlementaire synthétique (DIRS), conforme aux exigences de l’article 217-1 du RG AMF[15], est exigé. Contrairement au DIS, ce document n’est pas transmis à l’AMF.
Cet article a été co-écrit par
Véronique Collin, Mathieu Lebourgeois et Isabelle Gourmelon
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[1] Ancien article L.411-2 du CMF
[2] Article 1, paragraphe 3 du Règlement
[3] Article 1, paragraphe 2 du Règlement
[4] Un cercle restreint d’investisseurs est un groupe de personnes, autre que des investisseurs qualifiés, dont le nombre est inférieur à 150 (article D.411-4 du CMF)
[5] Un investisseur qualifié est défini par l’article 2, e) du Règlement comme « les personnes ou les entités qui sont énumérées à l’annexe II, section I, points 1) à 4), de la directive 2014/65/UE et les personnes ou entités qui sont traitées à leur propre demande comme des clients professionnels, conformément à la section II de ladite annexe, ou qui sont reconnues en tant que contreparties éligibles conformément à l’article 30 de la directive 2014/65/UE, à moins qu’elles n’aient conclu un accord pour être traitées comme des clients non professionnels conformément à la section I, quatrième alinéa, de ladite annexe.»
[6] Par exemple, l’article L.227-2 du Code de commerce applicable aux SAS.
[7] Ancien article L.227-2 du Code de commerce
[8] Ancien article L.227-2-1 du Code de commerce
[9] Article 1, paragraphe 4 du Règlement
[10] Article L.411-2-1, 1° du CMF
[11] Article D.411-2-1, alinéa 4 du CMF
[12] Article L.412-1, IV du CMF
[13] Article L.411-2, 2° du CMF
[14] On parle de site internet d’accès progressif lorsque l’internaute doit d’une part, s’enregistrer et accepter les risques auxquels il s’engage pour avoir accès au détail des offres de titres et, d’autre part répondre, avant de souscrire, à des questions sur son expérience et ses connaissances en matière financière, sa situation familiale, patrimoniale et professionnelle ainsi qu’à ses objectifs (Communiqué de presse de l’AMF, 23 mars 2015).
[15] Cet article précise les informations à mentionner, comme notamment une description de l’activité et du projet de l’émetteur, une description des risques de cette activité, et une information sur les droits attachés aux titres offerts et non offerts dans le cadre de l’offre.