Le Conseil de la concurrence a récemment sanctionné cinq fabricants et trois distributeurs pour entente sur le prix de vente de jouets de Noël de 2001 à 2004.
En l’espèce, le Conseil reproche aux entreprises visées de s’être entendues afin de fixer le prix de revente des jouets chez l’ensemble des distributeurs concernés, en contrepartie de remises restant acquises aux distributeurs en rémunération de leur coopération dans la mise en œuvre d’une police des prix voulue par les fournisseurs.
Cette procédure n’ayant pas donné lieu à la visite surprise (perquisition) des entreprises concernées, comme c’est souvent le cas pour les enquêtes de concurrence, on aurait pu craindre que le Conseil rencontre des difficultés à établir l’existence des pratiques alléguées. Comme souvent, le Conseil s’est appuyé sur la technique du faisceau d’indices.
Ainsi, il a pu établir qu’un nombre important de contrats négociés entre les fournisseurs et certains distributeurs prévoyaient un prix d’achat égal au seuil de revente à perte des distributeurs, de sorte que ces derniers disposaient d’une faible marge de revente de leurs produits aux consommateurs.
Le Conseil a pu également établir que les fabricants de jouets effectuaient des actions de surveillance des prix chez leurs distributeurs en les rappelant à l’ordre, voire en exerçant sur eux des pressions. Les distributeurs participaient, eux aussi, à cette veille des prix, et certains étaient même allés jusqu’à mettre en place des mécanismes leur permettant de dénoncer aux fabricants leurs concurrents qui vendaient à un prix différent afin que ceux-ci les contraignent à relever leurs prix. C’est notamment le cas de Carrefour, qui dans le cadre de l’opération « Carrefour rembourse dix fois la différence », invitait les consommateurs à lui indiquer tous les prix inférieurs qui étaient pratiqués chez ses concurrents. Cela permettait ainsi au distributeur de transmettre ces informations au fabricant concerné, lequel mettait ensuite en place des actions adéquates pour que ces distributeurs relèvent leurs prix.
Enfin, il a prouvé l’effectivité de cette entente en relevant que les prix évoqués entre fournisseurs et distributeurs avaient été appliqués de façon significative lors de la vente au détail.
Au regard de ces trois indices, le Conseil a donc conclu à l’existence d’ententes verticales entre ces fabricants de jouets et leurs distributeurs.
En défense, fabricants et distributeurs ont soutenu que les pratiques qu’on leur reprochait n’étaient que la conséquence de la stricte application de la loi du 1er juillet 1996, dite loi Galland, qui définit le seuil de revente à perte. Ils devaient donc être exonérés de toute responsabilité car ils n’avaient aucune marge de manœuvre, leurs pratiques étant imposées par la loi. Les défenderesses ont même reçu un soutien inattendu de la DGCCRF, qui a mis en garde le Conseil à l’audience, de ne pas tomber dans le piège qui consisterait à dénaturer la loi Dutreil des objectifs recherchés.
Ces arguments ont été jugés irrecevables par le Conseil, pour qui la loi Galland (telle que révisée par la loi Dutreil) ne conduit pas « nécessairement et inéluctablement » aux comportements constatés. En effet, si elle interdit la revente à perte, elle autorise néanmoins les fournisseurs à intégrer des remises déductibles dans leurs conditions générales de vente.
Pour le Conseil, c’était la suppression de remises déductibles et le report des négociations sur les marges arrière qui avaient permis aux fournisseurs et ce, en accord avec les distributeurs, de maîtriser les prix de revente aux consommateurs.
Ce n’était donc pas la loi qui était la cause de cet alignement des prix, mais plutôt les entreprises qui avaient interprété de façon extensive la coopération commerciale et avaient présenté comme conditionnelles, des ristournes qui ne présentaient pas ce caractère, et qui auraient dû être incorporées dans le prix net facturé.
Le seuil de revente à perte artificiellement gonflé, servait à assurer une maîtrise uniforme des prix de vente aux consommateurs.
Bien qu’il ait imposé de lourdes sanctions pécuniaires, le Conseil de la concurrence a décidé de façon originale, devant la multiplication des pratiques consistant à détourner la loi sur le seuil de revente à perte pour assurer une uniformité des prix de vente aux consommateurs, de transmettre le dossier aux tribunaux de commerce compétents. En effet, l’article L 442-6 III du Code de commerce prévoit que le président du Conseil de la concurrence peut saisir la juridiction commerciale lorsqu’il constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée dans le I et le II dudit article à savoir des pratiques discriminatoires, des refus de vente, la rupture brutale des relations commerciales ou des ventes ou prestations subordonnées à des contreparties injustifiées.