CEDH, Robathin c. Autriche, requête n° 30457/06
Condamnation par la CEDH de la saisie globale des données électroniques au cours d’une enquête pénale
Dans la série des rebondissements sur la question des saisies dans le cadre des enquêtes de concurrence diligentées en application de l’article L. 450-4 du code du commerce, on se rappelle de l’arrêt de la Cour de cassation du 30 novembre 2011 [1] qui avait conclu à la légalité de la saisie globale d’une messagerie électronique alors même que seuls certains éléments entraient dans le champ d’investigation de l’Autorité de la concurrence.
« […] que le juge ajoute qu’il ne peut être induit du seul nombre des documents saisis une absence de sélection de ceux-ci ou un caractère disproportionné des saisies ; qu’il relève que le fait qu’une messagerie électronique contienne pour partie seulement des éléments entrant dans le champ de l’autorisation suffit à valider sa saisie ; qu’il retient que n’est pas établie la réalité de la saisie de documents sur support papier présentant au moins l’apparence de documents couverts par le secret professionnel ; que le juge en déduit qu’il appartient à tout intéressé d’identifier les documents qu’il considère comme protégés par le secret de la correspondance ou le secret professionnel ou comme étrangers à l’objet de l’opération autorisée et d’en solliciter la restitution ; […] »
Cet arrêt de la juridiction judiciaire suprême française pourrait à présent être contesté suite à une décision récente des juges de Strasbourg.
En effet, la Cour européenne des droits de l’homme (« Cour EDH ») dans son arrêt du 3 juillet 2012 conclut à la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (Convention EDH ») relatif au « droit au respect de la vie privée et familiale » .
En l’espèce, il ne s’agissait pas d’une enquête de concurrence mais d’une enquête pénale, laquelle a mené les enquêteurs à réaliser une saisie globale de données électroniques. La Cour EDH a considéré que ce procédé n’était pas proportionné aux faits en cause et était ainsi contraire au droit fondamental découlant de l’article 8 de la Convention EDH.
Peut-on y voir les prémisses d’une remise en cause de la jurisprudence française applicable aux enquêtes de concurrence ? C’est probable, l’avenir le dira.
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[1]Cass, crim., 30 novembre 2011, Janssen-Cilag et autres c. Autorité de la concurrence, n° 10-81.748.
[2] Cour EDH, Robathin c. Autriche, requête n° 30457/06.
[3] « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »