Quatre années après l’adoption de l’ordonnance n° 2004-604, du 24 juin 2004, ayant institué les actions de préférence, le succès escompté n’était pas au rendez-vous. C’était pourtant la mesure phare de cette réforme visant l’instauration d’un dispositif se voulant comparable à celui des preferred shares.
De nombreuses critiques ont été formulées contre le régime adopté en 2004 : lourdeur de la procédure des « avantages particuliers », inspirée des apports en nature et dont l’efficacité n’est pas certaine ; difficultés de mises en œuvre des procédures de consultation des détenteurs d’autres classes de titres, notamment pour les sociétés ayant déjà émis plusieurs outils de financement ; l’obligation de réserver ou d’ajuster les droits de ces porteurs de valeurs mobilières lors de l’émission d’actions de préférence, qui s’avère souvent être un casse-tête.
Souhaitant prendre à bras le corps cette question, le Gouvernement a voulu clarifier ce régime en adoptant l’ordonnance n° 2008-1145, du 6 novembre 2008 qui instaure deux mesures entrant en vigueur le 1er janvier 2009.
La première consiste en une modification de l’article L. 228-11 du Code commerce, pour prévoir que les actions de préférence dépourvues de droit de vote au moment de leur émission sont dépourvues de droit préférentiel de souscription, sauf stipulation contraire des statuts.
Le rapport au Président de la République précise que, si le titre recouvre son droit de vote au cours de son existence, il n’en sera pas de même du droit préférentiel de souscription. Celui-ci serait donc définitivement supprimé, quelle que soit l’évolution du titre, sauf à aménager des dispositions statuaires divergentes. Mais le nouvel article L. 228-11 ne dit pas expressément cela. Ainsi, une nouvelle ambiguïté se crée suivant qu’on lit le texte ou son interprétation parue au Journal officiel, le rapport au Président de la République n’ayant pas force de Loi, faut-il le rappeler…
La seconde mesure abroge l’article L. 228-20 du Code de commerce, en raison des difficultés à interpréter ce texte spécifique sur le rachat des actions de préférence de sociétés cotées en cas de marché non liquide. L’article L. 228-12 du Code de commerce devient seul applicable pour fixer les modalités de rachat des actions de préférence, par vote en assemblée ou disposition statutaire spécifique.
Selon le rapport au Président de la République, cette réforme présente l’avantage d’autoriser, dans le secteur bancaire, la classification des actions de préférence en fonds propres. Pour les sociétés hors secteur bancaire, elle permet un contrôle des modalités de rachat en amont, par stipulations statutaires, ce qui est une bonne chose.
Il demeure, cependant, que les complexités soulevées par les praticiens quant à l’utilisation des actions de préférence, évoquées ci-dessus, n’ont pas été abordées.
La rigidité du système, qui conduit un certain nombre d’investisseurs à renoncer tout simplement à recourir aux actions de préférence, n’est pas totalement levée. Certains utilisateurs préfèreront vraisemblablement continuer à organiser leurs droits préférentiels par voie purement contractuelle au moyen de pactes d’actionnaires. En l’absence de réforme sur ces questions, l’ordonnance de 2008 semble largement avoir manqué sa cible.