Les faits
M. Graham Wilson est un ressortissant britannique, membre du barreau d’Angleterre et du Pays de Galles depuis 1975, qui exerce la profession d’avocat au Luxembourg depuis 1994.
En 2003, M. Wilson a refusé de se prêter à un entretien oral avec le Conseil de l’ordre des avocats pour vérifier ses connaissances linguistiques.
Le droit luxembourgeois prévoyant une obligation pour l’inscription de tout avocat (y compris communautaire) de maîtriser les langues de la législation et les langues administratives et judiciaires (français, allemand et luxembourgeois), le conseil de l’ordre a refusé de l’inscrire au tableau des avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine.
Suite à la procédure devant les juridictions nationales, la Cour de Justice était amenée à se prononcer, dans le cadre d’une question préjudicielle et d’un recours en manquement sur les questions suivantes :
- L’exercice de la profession d’avocat sous son titre d’origine peut-il être soumis à un test de connaissance de la langue de l’Etat d’accueil ?
- L’activité de domiciliataire des sociétés peut-elle être réservée aux avocats du pays d’accueil et interdite aux avocats exerçant sous leur titre d’origine dans cet Etat ?
- L’Etat d’accueil peut-il demander à un avocat exerçant sous son titre d’origine de fournir une attestation annuelle de son inscription dans son Etat d’origine ?
Décision et raisonnement de la CJCE
La CJCE répond à ces trois questions par la négative.
A propos de l’obligation de contrôle des connaissances linguistiques, la Cour précise que :
Le droit communautaire vise à faciliter l’exercice de la liberté fondamentale du droit d’établissement des avocats et n’exige pas de test de connaissances linguistiques.
La protection des justiciables et la bonne administration de la justice est garantie par le droit communautaire (notamment par la combinaison des déontologies de l’Etat d’origine et de l’Etat d’accueil prévoyant l’obligation des avocats de refuser des dossiers qui échappent à leur compétence, l’obligation d’exercer sous le titre d’origine et l’éventuel obligation d’action en concert avec un confrère local).
Des dossiers internationaux peuvent ne par nécessiter un degré de connaissance des langues de l’Etat d’accueil aussi élevé que celui requis pour le traitement d’un dossier purement national.
A propose de l’interdiction pour les avocats européens d’exercer des activités de domiciliation des sociétés au Luxembourg, la CJCE constate que :
En vertu du droit communautaire, l’avocat européen est en droit de pratiquer les mêmes activités professionnelles que l’avocat exerçant sous le titre professionnel de l’Etat membre d’accueil, sous réserve des exceptions prévues par la directive. Les activités de domiciliation de sociétés ne relevant pas de ces exceptions, les Etats membres ne sont pas autorisés à prévoir dans leur droit national d’autres exceptions à ce principe.
Le justiciable est suffisamment protégé par le cumul des règles professionnelles et déontologiques à observer par l’avocat européen et l’obligation d’assurance de responsabilité professionnelle de ce dernier.
Quant à l’obligation de production annuelle d’une attestation d’inscription auprès de l’autorité compétente de l’Etat membre d’origine, la Cour souligne le principe d’assistance mutuelle entre l’autorité compétente de l’Etat membre d’origine et l’autorité compétente de l’Etat membre d’accueil et conclut que ce principe permet à cette dernière de s’assurer suffisamment du respect permanent de la condition d’inscription de l’avocat européen.
Commentaire
Les arrêts du 19 septembre 2006 s’inscrivent dans une série d’arrêts de la CJCE, qui sont tous favorables à une interprétation large du principe de la liberté d’établissement des avocats au sein des communautés européennes.
En étudiant ces décisions, il est à remarquer que chaque Etat membre essaye toujours de protéger un maximum ses propres avocats tout en ignorant les possibilités professionnelles qui s’ouvrent à eux à l’étranger.
Aussi, le prétexte de vouloir protéger ses justiciables et de garantir la bonne administration de sa justice est répété chaque fois (et toujours à nouveau rejeté par la CJCE) dans ce genre de procédure.
Il semble malheureusement que tout progrès du droit communautaire en la matière doit obligatoirement être forcé par la CJCE.