Mise en oeuvre

La Companies Act entre en vigueur de manière décousue et de nombreux décrets d’application doivent venir compléter le cadre législatif. C’est donc progressivement que la Companies Act de 1985 se verra remplacée par la nouvelle loi. Pour partie, la Companies Act transpose les directives communautaires “Transparence” et “OPA”. Certains articles concernant les communications des sociétés sont entrés en vigueur en décembre et janvier dernier. La transposition est censée être finalisée d’ici octobre 2008.

Modernisation

La loi consacre le rôle accru que jouent la transmission et les communications électroniques dans la vie des sociétés. La publication sur le site internet de la société, d’informations et de documents tels les comptes, devient la norme. L’actionnaire qui souhaite un original en version papier, devra désormais en faire la demande. Cette innovation peut s’interpréter comme une volonté de transparence déjà exigée dans la législation américaine SOX. Si les statuts de la société en question le permettent, les communications électroniques avec les actionnaires seront autorisées.

Depuis le 31 décembre 2006, chaque société est tenue d’afficher certaines informations sur son site Internet, telles que son nom commercial, son numéro d’immatriculation ou encore son adresse.

Simplification des procédures

La Companies Act prévoit que les Private Limited Company (équivalent dans les grandes lignes aux sociétés à responsabilité limitée en France) n’auront désormais plus besoin de nommer un Company Secretary (secrétaire général). Cependant, si la société souhaite conserver l’ancienne formule, les pouvoirs du Company Secretary seront maintenus. La loi prévoit également la suppression du deuxième administrateur obligatoire pour les Public Limited Companies (équivalent de la société anonyme). Alors que la Companies Act de 1985 ne faisait pas de distinction entre un administrateur personne physique et personne morale, il est prévu désormais que toutes les sociétés aient au moins un administrateur personne physique.

La Companies Act aura l’effet de réduire l’importance du Memorandum of Association (acte constitutif de la société, contenant notamment l’objet social d’une société anglaise) et d’accroître le rôle des Articles of Association (statuts/règlement intérieur).

Particularité anglo-saxonne, la Companies Act permettra également à une Private Limited Company d’aider financièrement l’acquéreur de ses propres titres (hypothèse couramment connue sous le terme « financial assistance »). La procédure de cette Financial assistance s’apparente à la procédure française des conventions réglementées (articles L.225-38 et L. 225-86 du Code de commerce) et sera désormais possible sans la lourdeur des formalités qu’impose la loi actuellement (la procédure malencontreusement appelée white-wash). Seule exception à cette règle : une Private Limited Company, filiale d’une Public Limited Company, qui participerait financièrement ou par garantie à l’achat d’actions de cette dernière.

Renforcement de l’information

Comme indiqué ci-dessus, la Companies Act transpose la directive « Transparence », qui vise les sociétés cotées sur un marché réglementé. Ce nouveau régime sera précisé et renforcé par le Financial Services Authority (AMF britannique). La directive prévoit que certaines informations financières soient mises à disposition périodiquement et que des déclarations soient faites concernant les actionnaires majoritaires, par exemple lors du franchissement de certains seuils.

La Companies Act impose désormais des exigences informationnelles étendues pour les rapports annuels des sociétés cotées. L’objectif est d’offrir aux actionnaires et investisseurs la possibilité d’examiner les résultats ainsi que les risques auxquels la société est exposée. Le dirigeant sera susceptible d’engager sa responsabilité envers la société (à titre de compensation) s’il savait que le bilan était inexact ou encore s’il a été négligeant quant à sa véracité.

Le bilan doit présenter les résultats, les risques, la situation des salariés, le groupe ainsi que le bilan environnemental. Il doit également fournir des détails sur les principaux contrats, sous réserve que cette information ne soit pas sérieusement préjudiciable aux intérêts commerciaux de la société.

Obligations et responsabilité des dirigeants

Le régime de la responsabilité des dirigeants sera désormais plus étendu. La Companies Act codifie pour la première fois un grand nombre de devoirs dits fiduciaires, jusqu’à présent laissés aux bons soins de la common law. Les nouvelles règles remplacent ainsi les dispositions de common law existantes lorsqu’elles ont le même objet. Toutefois, les principes d’équité continueront à s’appliquer pour l’interprétation des nouvelles règles. Les recommandations du gouvernement seront prochainement publiées et préciseront peut-être la manière selon laquelle les tribunaux devront interpréter le nouveau corps de règles.

La Companies Act instaure, en ce qui concerne les dirigeants, les devoirs suivants: agir conformément à l’objet social et dans l’intérêt de la société; promouvoir le succès de la société et exercer un jugement indépendant; être raisonnablement attentif, compétent et diligent; éviter les conflits d’intérêt; n’accepter aucun avantage de tiers et déclarer ses intérêts dans les opérations ou contrats envisagés. Ces obligations classiques sont similaires à celles imposées aux dirigeants français. Seule la pratique des tribunaux pourra leur conférer une certaine amplitude.

Préalablement à toute décision, les dirigeants devront tenir compte des conséquences que celle-ci pourrait avoir sur l’actionnariat et les salariés. En conséquence, ils pourront voir leur responsabilité engagée si dans l’ensemble ils ne se conforment pas à leurs obligations.

Une opération devrait être évaluée pour la plupart des entreprises commerciales en terme de croissance accrue sur le long terme, bien que les actionnaires puissent préférer le paiement de dividendes dans l’immédiat.

La loi prévoit que désormais le dirigeant participera au vote sur ses propres actions. Pour conclure un accord ou une opération, il devra dorénavant obtenir une autorisation préalable, ce qui constitue pour lui un clair avantage puisqu’il obtiendra le consentement des actionnaires avant d’agir.

La Companies Act établit également une procédure selon laquelle les actionnaires pourront désormais intenter une action indirecte contre un dirigeant au nom de la société pour une violation de ses devoirs (on parle d’action ut singuli en France). Ils devront obtenir préalablement l’autorisation de poursuivre une telle action en établissant une accusation apparemment fondée ; le tribunal tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, par exemple la bonne foi de l’actionnaire ou la proposition d’une opération alternative.

Conclusion

Le nouveau régime de la Companies Act qui entrera en vigueur progressivement présente un certain nombre de changements et de nouveautés par rapport au cadre dans lequel les sociétés étaient habituées à évoluer. Il faudra un certain temps et un certain nombre de litiges devant les tribunaux avant de pouvoir déterminer toute la portée des dispositions concernant les devoirs des dirigeants. Cependant, il est clair que ceux-ci devront rester vigilants dans la préparation et la justification des décisions envisagées eu égard aux règles spécifiques sus-mentionnées, et en particulier prendre la précaution de conserver une trace de toutes leurs décisions et de la réflexion y ayant mené.