L’Angleterre – terre mondialement célèbre pour sa famille royale, son équipe de foot Manchester United et son « fish and chips », est récemment devenue une nouvelle attraction touristique pour les étrangers en mal de divorce. Des épouses aisées en instance d’être répudiées affluent à Londres pour y obtenir une indemnité plus consistante qu’ailleurs. Les tribunaux anglais imposent ou accordent une gamme large de prestations compensatoires.
Cette tendance est remarquable au sein des couples dont les époux sont issus de pays différents. Aujourd’hui on estime à 350 000 par an, le nombre de mariages transfrontaliers. Leur rupture engendre un litige international. D’autant que souvent la vie conjugale se déroule dans un pays dont aucun des deux époux n’est ressortissant, leurs lieux de travail ou leurs biens immobiliers sont situés dans des pays différents… La multiplicité des situations conjugales suscitent une grande variété de types de divorce. La mission préalable des avocats est de choisir une juridiction où leur client peut obtenir la séparation la plus avantageuse. Les avis sont partagés sur cette approche, l’UE a tenté d’introduire une réglementation pour éviter ce « forum shopping », mais pour le moment l’Angleterre reste la destination préférée de ceux qui souhaitent divorcer, les épouses répudiées étant des adeptes inconditionnelles de la justice anglaise réputée pour sa générosité.
I. Le Forum Shopping
Le régime européen est issu du Règlement (CE) 2201/2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (ci-après dénommé « Bruxelles II »). Le Règlement régit la juridiction compétente pour toute séparation et divorce au sein de l’UE, hormis le Danemark, au cas où les époux ne parviennent pas à un accord sur le choix de la juridiction du divorce. Dans ce cas, le tribunal compétent sera la première juridiction saisie, ce qui engendre une course au forum.
Cependant, il est nécessaire que le requérant démontre qu’il a satisfait aux exigences de l’Article 3 du Règlement Bruxelles II qui prévoit que seront compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce, à la séparation de corps et à l’annulation du mariage des époux, les juridictions de l’État membre:
« a) sur le territoire duquel se trouve:
- la résidence habituelle des époux, ou
- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l’un d’eux y réside encore, ou
- la résidence habituelle du défendeur, ou
- en cas de demande conjointe, la résidence habituelle de l’un ou l’autre époux, ou
- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l’introduction de la demande, ou
- la résidence habituelle du demandeur s’il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande et s’il est soit ressortissant de l’État membre en question, soit, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, s’il y a son « domicile »;
b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume-Uni et de l’Irlande, du « domicile » commun. »
Ainsi, pour engager une procédure de divorce en Angleterre le requérant doit démontrer :
- qu’il a sa résidence habituelle en Angleterre, ce qu’il peut établir s’il y réside depuis au moins six mois avant l’introduction de la demande et s’il y a son domicile.
- Le défendeur a sa résidence habituelle en Angleterre lorsqu’aucun État contractant n’est compétent au début de la procédure.
La résidence habituelle est démontrée par les indices suivants : nationalité ; langue ; temps passé dans le pays ; résidence de la famille; lieu de travail ; résidence fiscale ; pays où la partie a ses intérêts immobiliers; adresse du médecin/ dentiste et autres éléments susceptibles d’indiquer le centre d’intérêt de l’intéressé. Certains soutiennent que la durée de résidence, prise en compte dans le Règlement Bruxelles II bis est trop courte et permettrait donc à certaines personnes de manipuler le système à leur avantage.
II. Le divorce anglais – un régime qui favorise les épouses ?
Les critères anglais habituellement pris en compte par les tribunaux lors d’un divorce sont: l’adultère, le comportement déraisonnable, l’abandon, 2 ans de séparation (avec l’accord du défendeur) et 5 ans de séparation (sans accord). Il n’est pas nécessaire de démontrer un lien de causalité entre l’un des critères précédemment listés et l’échec du mariage, car la rupture est présumée dès que ces critères sont établis.
Certains soutiennent que les tribunaux anglais auraient une approche favorable aux épouses, ceci sans considération du « mariage pour tous » ! Les juges ont tendance à ordonner le versement d’une pension alimentaire à vie au bénéfice de la requérante ; à consentir à la division de l’actif matrimonial et à être souple sur leur considération de la durée du mariage. Dans les autres pays, la pension alimentaire est souvent limitée dans le temps (par exemple 3 ans après la rupture conjugale en Ecosse et dans certains États américains). Un divorce a attiré l’attention de la presse populaire, celui de Boris Berezhovsky, l’oligarque russe et sa femme, Galina, à laquelle le juge anglais a accordé un versement de €100 million.
Il existe un autre avantage pour ceux qui ont leur centre d’intérêt au Royaume-Uni, les tribunaux anglais ont le pouvoir d’ordonner une indemnité supplémentaire à la partie faible même si le divorce a été déjà prononcé dans une autre juridiction. La loi «Part III Matrimonial and Family Proceedings Act 1994 » prévoit un mécanisme permettent au requérant de soumettre une revendication supplémentaire afin de toucher cette indemnité qui reconnait leurs intérêts en Angleterre.
C’est dans ce contexte que le divorce d’Ilya Golubovich et Elena a été médiatisé à cause d’une part de leur course au divorce, mais aussi d’une importante indemnité supplémentaire. Leur mariage a duré 18 mois au cours desquels ils ont résidé à Londres. Elle a tenté de saisir le tribunal anglais alors que son mari avait déjà saisi un tribunal russe. En général les tribunaux russes n’octroient pas de grosses indemnités. L’épouse a eu droit à une indemnité supplémentaire anglaise bien que le divorce avait déjà été prononcé en Russie, du fait qu’elle avait des liens avec l’Angleterre et que leur vie conjugale s’y était déroulée. La cour a ordonné à l’ex-mari de verser £2.85 million à son ex-femme.
Pour conclure, s’il semble que les tribunaux anglais manient une gamme d’indemnités plus larges qu’ailleurs permettant le versement de montants cumulatifs à l’épouse répudiée, les indemnités sont proportionnées à la richesse du couple. Les exemples « people » tirés de la presse à sensation ne sont pas des divorces anglais typiques. Dans tous les cas, le régime anglais tente de protéger la partie faible, celle qui a besoin d’un soutien continu et n’est pas insensible à la situation de fortune du mari.