En 2006, le Conseil de la concurrence a ouvert une procédure à l’encontre de onze fabricants de produits cosmétiques pour avoir imposé une interdiction absolue et générale aux membres de leur réseau respectif de distribution sélective, de vendre leurs produits au consommateur final via Internet. Ces faits ont été considérés comme constituant une restriction grave à la concurrence, contraire au Code de commerce et à l’article 81 du traité CE (désormais l’article 101 du TPUE).

En mars 2007, les procédures furent clôturées pour dix des producteurs sur la base de leur engagement pris de modifier lesdits contrats. Pierre Fabre, leader du marché a pour sa part refusé de proposer des engagements. Le Conseil de la concurrence a donc ouvert une procédure formelle à son encontre et a jugé les pratiques en causes anticoncurrentielles. Le Conseil a condamné Pierre Fabre à une amende de 17 000 euros et l’a enjoint à supprimer dans ses contrats de distribution sélective toutes mentions interdisant la vente sur internet de ses produits cosmétiques et d’hygiène.

Pierre Fabre a alors fait appel de la décision devant la Cour d’appel de Paris (« la Cour »). La Commission européenne, de sa propre initiative, est intervenue dans la procédure comme amicus curiae. Conformément à l’opinion exprimée dans sa proposition révisée de lignes directrices sur les restrictions verticales, la Commission a soutenu qu’une interdiction totale et généralisée de vente sur internet constitue dans son objet une restriction caractérisée de concurrence, qui peut, dans certaines circonstances, relevant par exemple de l’ordre public, de sécurité ou de santé publique, être objectivement justifiable (e.g. l’interdiction de la vente d’arme par internet).

Dans sa décision du 29 octobre 2009, la Cour a décidé de suspendre la procédure et de poser une question préjudicielle à la CJCE en considérant, (1) que ni les Lignes directrices, ni l’avis de la Commission ne s’imposent à la juridiction nationale et (2) que, bien que la Commission et le Conseil de la concurrence arrivent à la même conclusion, ils s’appuient sur des arguments différents. La Cour a également admis que les arguments soulevés par Pierre Fabre n’étaient pas sans fondement.

Tout comme Pierre Fabre, il est en effet possible de s’interroger sur la question de savoir comment l’Autorité française de la concurrence peut, d’une part, affirmer qu’une interdiction absolue de vente sur internet est une restriction caractérisée de concurrence et, par ailleurs, accepter que le Conseil ait pu clore la procédure ouverte à l’encontre des concurrents de Pierre Fabre par l’acceptation d’engagements.

Il va sans dire, que la question préjudicielle posée à la CJCE aura un impact considérable sur l’avenir de la distribution dans l’UE et qu’elle sera attendue avec grand intérêt. Espérons seulement que la CJCE ne tardera pas trop à rendre sa décision.