Affaire Yamaha Motor France – MBK
Décision n° 06-D-26 du 15 septembre 2006
Deux distributeurs régionaux de deux-roues motorisés ont dénoncé plusieurs pratiques anticoncurrentielles impliquant les sociétés Yamaha Motor France et MBK :
1. Sur l’existence d’une entente horizontale entre Yamaha Motor France et MBK
Ces deux sociétés, filiales du groupe Yamaha Motor Europe, se seraient rendues coupables d’une entente visant à limiter la part de marché de MBK à 30 %. La question qui se posait était celle de savoir si deux filiales d’un même groupe peuvent être à l’origine d’une entente entrant dans le champ d’application de l’article L. 420-1 du Code de commerce et de l’article 81 CE ?
Le Conseil rappelle tout d’abord la jurisprudence constante de la Cour de Justice des Communautés Européennes selon laquelle « en l’absence de concours de volontés économiques indépendantes, les relations au sein d’une unité économique ne peuvent être constitutives d’un accord ou d’une pratique concertée entre entreprises restrictifs de concurrence au sens de l’article 81, § 1 du traité. » (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Viho)
Or en l’espèce, les filiales de Yamaha Motor Europe « ne jouissent pas d’une autonomie dans la détermination de leur ligne de conduite mais appliquent des instructions qui leur sont adressées par la société mère qui les contrôle. » (point 40 de la décision sous commentaire). Dès lors, les politiques de coordination litigieuses entre filiales sont exclues du champ d’application des dispositions relatives à l’interdiction des ententes.
2. Sur l’entente verticale alléguée entre MBK et ses distributeurs rendue possible par les clauses de non-concurrence contenues dans les contrats de concession
Le contrat-cadre de distribution conclu entre la société MBK et ses distributeurs comportait une clause d’exclusivité réciproque, avec octroi d’un territoire exclusif assorti d’une exclusivité de marque.
Le Conseil de la Concurrence admet l’effet potentiellement restrictif de telles dispositions contractuelles, rappelant que « i[la clause d’exclusivité de territoire est susceptible de limiter l’établissement de distributeurs venant d’autres États membres dans une zone donnée et [que] la clause d’exclusivité de marque peut être un frein à la pénétration de marques concurrentes d’entreprises établies dans d’autres États membres.]i » (point 46 de la décision)
Toutefois, en l’espèce, et conformément à la décision de la Cour d’Appel d’Amiens rendue le 30 mars 2001, le Conseil analyse la clause de non-concurrence contenue dans le contrat-cadre comme compatible avec le règlement 1983/83 concernant l’exemption par catégorie de certains accords de distribution exclusive (le règlement n° 2790/1999, remplaçant ce texte, n’est en effet pas applicable ici, en raison de la période des faits visés).
Les stipulations contractuelles entre MBK et ses distributeurs ne constituent donc pas une entente prohibée.
Par ailleurs, les comportements de Yamaha Motor France et MBK, en ce qu’elles sont qualifiées de sociétés non autonomes d’un même groupe par le Conseil, ne sont pas constitutifs d’une exploitation abusive d’une position dominante. Sur ce point, le Conseil n’a pas tranché sur l’existence d’une dominance économique mais a simplement constaté l’absence de caractère abusif dans le comportement des sociétés incriminées vis-à-vis de leurs partenaires.
AFFAIRE CITROEN
Décision n° 06-D-27 du 20 septembre 2006
Cette décision concerne une demande de mesures conservatoires à l’encontre de Citroën dans le cadre d’une saisine du Conseil par les sociétés Autodistribution, premier distributeur de pièces détachées pour véhicule et sa filiale AD net.
Autodistribution et AD Net dénoncent un abus de position dominante et des restrictions caractérisées à la libre-concurrence sur le marché des informations techniques de la société Citroën pour toutes les réparations sur sa gamme de véhicules.
Les entreprises saisissantes reprochent au groupe Citroën d’avoir réservé les informations techniques et les systèmes de diagnostic pour la réparation et l’entretien des véhicules Citroën au seul réseau officiel de ses réparateurs.
En particulier, les plaignantes incriminent les pratiques suivantes :
- la mise à disposition d’un logiciel de diagnostic bridé, permettant de repérer les pannes mais pas de les réparer
- un prix de vente anormalement élevé de l’outil de diagnostic rendant l’information technique inaccessible aux réparateurs indépendants
- une réticence, un manque de diligence dans la mise à disposition des bases de données (informations techniques, méthodes de réparation, formations…) qui serait constitutif d’un abus de position dominante
Si ces comportements étaient avérés, ils iraient à l’encontre des dispositions du Règlement automobile n° 1400/2002, dont l’objectif est d’assurer une concurrence effective sur les marchés de la réparation et de l’entretien des véhicules.
Pour le Conseil de la Concurrence, qui n’a pas encore statué sur le fond du litige, « i[il n’est pas exclu […] que certaines pratiques dénoncées puissent être qualifiées […] de restrictions caractérisées, dites clauses noires […]. De même, il n’est pas exclu que Citroën exploite abusivement son pouvoir de marché […] pour altérer la structure concurrentielle de l’accès [aux] informations par les réparateurs.]i » (points 39 et 44 de la décision)
Concernant la demande de mesures provisoires, objet de la présente décision, l’atteinte grave et immédiate à l’économie générale, à celle du secteur intéressé, à l’intérêt des consommateurs ou à l’entreprise plaignante ne peut être établie par un simple manque à gagner ou un risque hypothétique sur la pérennité de l’entreprise (point 51 de la décision). Le Conseil rejette donc cette demande.
Toutefois, l’instruction de l’affaire au fond est confirmée ; instruction qui pourrait avoir comme conséquence, si les restrictions caractérisées étaient confirmées, la perte du bénéfice de l’exemption catégorielle pour l’intégralité de l’accord vertical de distribution entre Citroën et ses réparateurs.