Ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 portant transposition de la directive (UE) 2018/957 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018

L’ordonnance du 20 février 2019 transpose en droit français les précisions apportées le 28 juin 2018 à la directive 96-71 sur les travailleurs détachés. Un projet de loi de ratification de l’ordonnance en l’état (sans changements) a été présenté en Conseil des ministres le 7 mai 2019 par la ministre du Travail.

Les principales dispositions de l’ordonnance (y compris ratifiée) ne seront applicables qu’à compter du 30 juillet 2020.

Champ d’application : l’ensemble des détachements de travailleurs

On rappelle qu’il existe trois types de détachements (outre le détachement fait dans le cadre d’une relation de travail temporaire) visés par le Code du travail : (i) le détachement effectué dans le cadre d’une prestation de services, (ii) le détachement effectué au sein d’un groupe et (iii) le détachement pour le compte de l’employeur.

Il convient d’emblée de lever une ambiguïté qui pourrait porter à confusion : le titre de la directive transposée est « Directive modifiant la directive 96/71/CE concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services ». Faut-il en déduire que la directive et l’ordonnance ne s’appliquent qu’à la première catégorie de détachements présentée ci-dessus, celle effectuée dans le cadre de prestations de services ? Il n’en est rien :

  • L’article 1er, paragraphe 3, b), de la directive précise bien que les détachements intragroupes sont visés ;
  • Le Code du travail français, quant à lui, n’opère aucune distinction entre les différents types de détachements pour ce qui concerne la transposition de la directive.

Ainsi, le texte a bien vocation à s’appliquer à l’ensemble des détachements de travailleurs, et non pas seulement ceux qui sont effectués dans le cadre d’une prestation de services.

Les dispositions de l’ordonnance ne s’appliquent par ailleurs pas au personnel roulant des entreprises de transport routier.

Élargissement de façade du « noyau dur » de règles du pays d’accueil

Le salarié d’une entreprise étrangère détaché en France pour une durée limitée continue de relever du droit du travail de son pays d’origine. Par exception, un « noyau dur » de règles du pays d’accueil s’applique toutefois.

L’article L.1262-4, du Code du travail, tel que modifié par l’ordonnance du 20 février 2019, prévoit que sont applicables au salarié détaché un certain nombre de règles du droit français (légales et conventionnelles) dans une liste de domaines qu’il énumère. Il s’agit de ce « noyau dur ».

L’ordonnance ajoute les mentions suivantes :

  • L’employeur « garantit l’égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies sur le territoire national » ;
  • La rémunération, visée parmi les domaines auxquels la loi et la convention collective s’appliquent, se définit par référence à l’article L.3221-3 du Code du travail (afin d’appliquer la définition donnée par la directive) – de fait, c’était déjà le cas avant que cette précision ne soit donnée ;
  • Le remboursement des frais professionnels (transport, repas et hébergement) – en réalité, c’était, de fait, déjà le cas avant l’adoption de cette ordonnance.

Durée d’application du « noyau dur » limitée à 12 mois

Le changement le plus significatif apporté par l’ordonnance du 20 février 2019 est l’institution d’une limitation de durée pour l’application du noyau dur. Au-delà de cette durée l’entier droit national est censé s’appliquer.

L’article L. 1262-4, du Code du travail, tel que modifié par l’ordonnance, prévoit désormais que l’employeur détachant temporairement un salarié sur le territoire national pendant une période excédant une durée de 12 mois est soumis, à compter du 13ème mois :

  • à toutes les dispositions du code du travail applicables aux entreprises établies sur le territoire national ;
  • sauf les dispositions relatives, en substance, au transfert, à la rupture du contrat de travail ainsi qu’aux contrats courts (dans le détail : à la formation du contrat de travail, au transfert du contrat de travail, à la collecte d’informations personnelles, au principe de bonne foi, à la modification du contrat de travail, au licenciement pour motif économique, à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée, à la mobilité volontaire externe sécurisée, aux CDD, aux contrat de mission à l’exportation, de chantier ou d’opération, ainsi qu’aux chèques et titres simplifiés de travail) ;

Cette durée de 12 mois peut être prolongée de 6 mois maximum si « l’exécution de la prestation le justifie », sur déclaration motivée adressée à l’administration, « dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État ». Aucun décret pour le moment.

Calcul des 12 mois

En cas de remplacement d’un salarié détaché par un autre salarié détaché sur le même poste de travail, la durée de 12 mois est atteinte lorsque la durée cumulée du détachement des salariés se succédant sur le même poste est égale à 12 mois (article L. 1262-4 du Code du travail).

S’agissant des détachements en cours au 30 juillet 2020 : la durée de 12 mois s’appréciera en tenant compte des périodes de détachement déjà accomplies à cette date (article 7 de l’ordonnance du 20 février 2019).

Précisions sur le détachement de travailleurs temporaires

L’ordonnance entérine la possibilité de double détachement des travailleurs temporaires, c’est-à-dire, lorsqu’une entreprise située hors de France détache des travailleurs temporaires mis à disposition par une entreprise de travail temporaire (« ETT ») également située hors de France.

Jusqu’au 30 juillet 2020: l’article L. 1262-2-1 du code du travail dispose que l’entreprise utilisatrice (située hors de France) qui a recours à des intérimaires salariés d’une ETT également située hors de France, informe l’inspection du travail que l’employeur de ce salarié a connaissance de son détachement et des règles de droit qui lui sont applicables.

À compter du 30 juillet 2020 : (1) l’article L. 1262-2 du Code du travail vise désormais expressément le double détachement en matière de travail temporaire ; (2) l’article L. 1262-2-1 modifie les obligations de l’entreprise utilisatrice située hors de France, qui devra désormais informer l’ETT (également située hors de France), avant le détachement, qu’elle détache des travailleurs intérimaires sur le territoire français, et quelles règles de droit français leur seront applicables (règles « dont la liste est arrêtée par le ministre chargé du travail »).

Contact : coline.bied-charreton@squirepb.com