Décision de l’Autorité de la concurrence n° 09-D-31 du 30 septembre 2009
Le projet de loi sur l’ouverture du marché des jeux de hasard et des paris sportifs en ligne est en cours d’examen au Parlement. Les reports successifs de l’entrée en vigueur de ce texte et les prévisions de croissance du secteur ont eu pour conséquence une anticipation des contrats futurs entre les actuels et futurs acteurs économiques y gravitant : opérateurs, fédérations sportives, médias etc.
L’objectif est de « pré-réserver » des exclusivités ou des partenariats stratégiques qui n’entreront effectivement en vigueur qu’après le vote du projet de loi. On peut se demander si, en conséquence, le marché est d’ores et déjà noyauté par les « big » du secteur ou si quelques uns pourraient encore caresser l’espoir de faire tomber certains de ces accords au nom de la libre concurrence ?
Si cette libre concurrence n’est pas encore applicable dans un domaine toujours sous monopole public, est-elle réellement appliquée dans des secteurs déjà ouverts à la concurrence ?
Le domaine sportif était ainsi récemment le théâtre de lourdes sanctions par l’Autorité de la Concurrence à l’encontre de la Fédération Française de Football et de Sportfive pour entente sur le marché de la commercialisation des droits marketings de la FFF.
Dans sa décision du 30 septembre 2009, l’Autorité de la Concurrence a démontré l’objet et l’effet anticoncurrentiel de l’entente par :
(i) les modalités de l’exclusivité organisée par la FFF de 1992 à 2002, et
(ii) le déroulement de l’appel d’offre de 2001 relatif à l’exploitation des droits marketing qu’elle proposait et ses avenants successifs.
Elle rappelle à cette occasion les modalités à respecter pour la validité d’un accord octroyant une exclusivité à long terme.
1. En reprenant tout d’abord, à l’appui de la décision 07-MC-01 du 25 avril 2007, que les exclusivités de distribution ou d’achat ne sont pas anticoncurrentielles par elles-mêmes :
« Elles peuvent, par exemple, être nécessaires pour assurer la rentabilité d’une activité, en raison notamment de l’existence d’investissements spécifiques que l’entreprise n’engagerait pas si elle ne bénéficiait pas d’une exclusivité »
Rappelons que cette décision du Conseil de la concurrence soulignait l’importance dans son analyse des accords d’exclusivité d’une étude au cas par cas, avec une attention particulière pour les circonstances concrètes du marché.
Le caractère anticoncurrentiel des clauses d’exclusivité est en effet caractérisé en cas d’instauration, en droit ou en pratique, de barrières artificielles à l’entrée sur le marché. Cet exercice impose d’apprécier l’ensemble des éléments constitutifs de ces clauses et notamment leur champ d’application, leur durée, l’existence ou non d’une justification technique à l’exclusivité, et la contrepartie économique obtenue par le client.
En l’espèce, l’Autorité de la concurrence a fait application du Règlement 2790/1999 sur les restrictions verticales, mais sans exempter les pratiques en cause.
2. En critiquant ensuite la portée et la durée des exclusivités consenties, le contrat de sponsoring de l’Equipe de France ayant ainsi duré 10 ans par le jeu de multiples avenants et reconductions.
Elle estime que ces circonstances ont par conséquent privé la FFF de la réalisation d’un bilan de ces contrats, et aurait de facto limité l’accès d’autres intermédiaires à ce marché.
Quant à l’organisation de l’appel d’offres en 2001, elle considère que ce dernier était irrégulier (i) faute de publicité préalable, et (ii) d’une concertation entre la FFF et Sportfive pour ne pas divulguer certaines informations à leur concurrent.
Elle condamne la FFF à 900.000 euros d’amende (avec une réfaction de 40% du fait de la procédure d’engagements suivie). Sportfive pour sa part devra verser 6 millions d’euros d’amende.
A ce tarif là, mieux vaut ne pas être tenté de miser sur un accord irrégulier…
Faites vos jeux !