Le débat sur les limites de la sphère privée sur les réseaux sociaux se poursuit. Et il n’est pas près de se tarir puisqu’aujourd’hui près de 80% des internautes français sont membres d’un réseau social.

Le 19 novembre dernier, le Conseil de Prud’hommes de Boulogne-Billancourt, statuant en formation de départage, a jugé fondé le licenciement de salariés ayant dénigré leur hiérarchie sur Facebook.

En l’espèce, trois salariés d’Alten avaient eu la mauvaise idée de s’épancher à propos de leurs conditions de travail qu’ils jugeaient mauvaises sur leur « mur », c’est-à-dire sur une page personnelle de leur profil mais accessible à leurs « amis » Facebook et aux amis de ceux-ci.

Le principe selon lequel « les amis de mes amis sont mes amis » n’a pas trouvé ici application puisqu’un autre salarié d’Alten, « ami Facebook » ayant profité de cette discussion sans pour autant y participer, a jugé bon de faire une capture d’écran des propos échangés par ses collègues et de la remettre à sa hiérarchie.

La réaction de cette dernière ne s’est pas fait attendre puisqu’elle a licencié les trois salariés concernés pour faute grave au motif d’une "incitation à la rébellion contre la hiérarchie et dénigrement envers la société".

Le Conseil de Prud’hommes a conforté la sanction prise par l’employeur et reconnu les licenciements pour faute grave fondés au premier motif que la page contenant les propos incriminés appartenait à un compte Facebook dont les paramètres permettaient de « partager la page avec les amis de leurs amis » et que dès lors « ce mode d’accès à Facebook dépasse la sphère privée ».
Le Conseil a ensuite estimé que les salariés y ont abusé de leur « droit d’expression visé à l’article L 1121-1 du Code du travail et [ont] nui à l’image de la société ALTEN SIR en raison des fonctions [qu’ils exerçaient en leur] qualité de chargé de recrutement ».

L’un des enseignements principaux de cette décision est qu’en autorisant l’accès de son compte Facebook aux amis d’amis, la sphère privée s’élargit tellement qu’elle en devient publique, de sorte que les propos échangés sur le « mur » ne peuvent plus être considérés comme ceux contenus dans une correspondance privée.

La solution retenue aurait peut-être été différente si les salariés en question avaient paramétré leur compte de manière à ce que seuls leurs amis aient accès à leur mur, et si lesdits amis n’avaient été que quelques uns. Aurait-on retenu le caractère privé de la discussion ? Possiblement, et pourtant les propos tenus auraient été les mêmes, et publiés sur le même « mur ».

Il convient en tout état de cause de manier le verbe avec précaution et de se souvenir quand on est salarié que, en cas de mécontentement sur sa vie professionnelle, la solution la plus sûre reste encore celle de chercher du travail ailleurs…