TGI Nanterre ord. réf. 28 février 2014 n° 14/00634

La loi relative à la sécurisation de l’emploi n°2013-504 du 14 juin 2013 a, entre autres diverses dispositions, encadré les délais de consultation du comité d’entreprise (CE).

Le nouvel article L. 2323-3 du Code du travail dispose que « Dans l’exercice de ses attributions consultatives […], le CE émet des avis et vœux. Il dispose d’un délai d’examen suffisant. Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l’employeur et le CE ou, le cas échéant, le comité central d’entreprise [CCE], […], ou, à défaut d’accord, un décret en Conseil d’État fixe les délais dans lesquels les avis du CE sont rendus […]. Ces délais […] ne peuvent être inférieurs à quinze jours, […]. À l’expiration de ces délais ou du délai mentionné au dernier alinéa de l’article L. 2323-4, le CE est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif. »

Ce nouveau dispositif permet donc que certaines consultations relatives notamment à la marche générale de l’entreprise, au rapport annuel sur la situation de l’entreprise, aux modalités d’expression des salariés, au bilan social, etc… soient limitées dans le temps. Il est néanmoins assorti d’un garde-fou.

En effet, le nouvel article L. 2323-4 ajoute que « Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le CE dispose d’informations précises et écrites transmises par l’employeur et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations. Les membres élus du comité peuvent, s’ils estiment ne pas disposer d’éléments suffisants, saisir le président du tribunal de grande instance [TGI] statuant en la forme des référés, pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Le juge statue dans un délai de huit jours.  Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du CE, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l’article L. 2323-3 ».

Ainsi, si le CE n’a pas rendu d’avis au terme du délai préfix convenu ou défini par Décret (articles R 2323-1 et suivants du Code du travail), il est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif.

Quand le CE estime ne pas disposer d’éléments suffisant pour se prononcer, il doit saisir le juge des référés pour demander la communication des éléments qui lui font défaut, voire de prolonger le délai préfix qui lui est imparti pour rendre son avis.

Une fois saisi, le juge a 8 jours pour statuer. Or, ce délai n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le CE pour rendre son avis, sauf si le juge en décide autrement (L. 2323-4)…

Le TGI de Nanterre, dans un jugement du 28 février 2014 (TGI Nanterre ord. réf. 28 février 2014 n° 14/00634, CE de Boulogne d’Ipsen Pharma c/ Sté Ipsen Pharma) a apporté des précisions utiles quant au moment où le CE peut utilement saisir le Juge.

En l’espèce, après la dernière réunion, le CCE a demandé au juge des référés de suspendre la mise en œuvre du projet sur lequel il était consulté parce qu’il s’estimait insuffisamment informé.

Cependant, le TGI a rejeté cette demande et jugé que la saisine aurait dû avoir lieu avant l’expiration du délai de consultation.

Ce jugement constitue à notre connaissance la première décision rendue sous l’office de la nouvelle loi. La solution qu’il adopte est somme toute logique ou, à tout le moins, cohérente avec l’esprit de la loi dont le souci premier vise à encadrer la durée des procédures de consultations.

En pratique, cela signifie que lorsque la dernière réunion de consultation a lieu le dernier jour du délai prefix, le CE doit s’estimer être suffisamment informé avant son déroulement. À défaut, s’il n’a pas déjà saisi le Juge des référés, cette dernière réunion marquera la fin du processus d’information et donc de consultation.

Les CE devront donc penser à négocier la tenue de la dernière réunion avant l’expiration du délai de consultation ou envisager la saisine conservatoire du Juge des référés pour s’assurer qu’ils pourront bénéficier d’une information suffisante… au cas où.

Cet article a été écrit par Cristelle Devergies-Bouron