Business FinancialsLoi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020

Arrêtés du 17 avril, du 2 mai et du 6 mai 2020 portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

La loi n° 2020-473 de finances rectificative pour 2020 promulguée le 25 avril 2020 (la « Loi ») fait suite à l’adoption de la précédente[1] il y a un peu plus d’un mois. Elle étend et renforce certaines des mesures de soutien au financement des entreprises déjà mises en place[2] telles que le mécanisme de prêts garantis par l’Etat (« PGE« ) et le dispositif de réassurance publique des opérations d’assurance-crédit de court terme à l’export (Cap Francexport).

La Loi, complétée par deux Arrêtés publiés les 2 et 6 mai 2020[3], apporte les changements suivants :

  • les financements participatifs (crowdlending) consentis à des entreprises éligibles par des personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles ou commerciales pourront dorénavant également bénéficier de la garantie de l’Etat ;
  • le champ des entreprises éligibles au PGE est ajusté :
    • parmi les entreprises en difficulté, désormais seules celles qui faisaient l’objet d’une procédure collective ou de rétablissement professionnel au 31 décembre 2019 ne pourront pas bénéficier d’un PGE, à l’exception de celles pour lesquelles un plan de sauvegarde ou de redressement a déjà été arrêté par un tribunal à la date d’octroi du prêt. Par ailleurs, demeurent toujours éligibles au PGE les entreprises faisant l’objet d’une procédure préventive de traitement des difficultés telle que le mandat ad hoc ou la procédure de conciliation. Rappelons que la définition européenne de l’ »entreprise en difficulté » repose principalement sur des critères financiers (perte de plus de la moitié du capital social ou des fonds propres) ou des ratios (ratio emprunts/capitaux propres supérieur à 7,5 et ratio de couverture des intérêts, calculé sur la base de l’EBITDA, inférieur à 1,0). Elle renvoie pour le reste au droit national des Etats membres. Les procédures préventives telles que mandat ad hoc ou la conciliation ne sont pas donc pas incluses dans la définition européenne de l’entreprise en difficulté. La Loi n’apporte donc aucune modification sur ce sujet ;
    • la Loi modifie l’article 6 du texte d’origine[4], lequel ne fait plus référence à la notion d’ »entreprise non-financière » et indique clairement que les prêts consentis aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ne peuvent pas bénéficier de la garantie. Cela signifie, a contrario, que les autres entreprises financières telles que les établissements de paiement, les établissements de monnaie électronique et les fintechs sont éligibles au PGE ; et
    • certaines sociétés civiles immobilières ne sont plus exclues du dispositif de garantie : (i) les sociétés civiles immobilières de construction-vente (SCICV), (ii) les sociétés civiles immobilières dont le capital est intégralement détenu par des organismes de placement collectif immobilier (OPCI), des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) ou par des organismes professionnels de placement collectif immobilier (OPPCI) ainsi que (iii) les sociétés civiles immobilières percevant des recettes liées à l’accueil du public dont le patrimoine est majoritairement constitué de monuments historiques classés ou inscrits ;
  • les seuils au-delà desquels la garantie de l’Etat est accordée par arrêté du Ministre de l’Economie et des Finances sont alignés sur ceux de la « grande entreprise »[5], c’est-à-dire une entreprise employant au moins 5000 salariés ou réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1,5 milliard d’euros. Ainsi, ces deux seuils sont désormais alternatifs et non plus cumulatifs. Par ailleurs, il est précisé que les garanties accordées sur une base individuelle aux grandes entreprises pourront déroger à certaines dispositions de l’arrêté du 23 mars[6] relatives au différé d’amortissement, à la quotité garantie par l’Etat et au coût de la garantie. Cela signifie donc que (i) les grandes entreprises pourraient être tenues de rembourser le capital dès la première année du prêt sans avoir la faculté de choisir de les amortir sur une période additionnelle ou, au contraire, pourraient bénéficier d’un différé d’amortissement plus long et que (ii) les PGE qui leur sont consentis pourraient être couverts par l’Etat au‑delà de 90% (hypothèse peu probable compte tenu des montants de ces prêts) ou bien en deçà de 70% ;
  • les prêteurs devront maintenant notifier par écrit aux demandeurs tout refus d’octroi d’un prêt inférieur à 50.000 euros qui satisferait par ailleurs l’ensemble des conditions d’éligibilité au PGE. Ces derniers pourront ainsi se ménager la preuve du refus et bénéficier de l’aide complémentaire d’un montant de 2.000 à 5000 euros versée par les collectivités locales[7] au titre du fonds de solidarité pour les TPE, indépendants et micro‑entrepreneurs. Le texte n’indique toutefois pas dans quel délai les banques doivent notifier ce refus ;
  • le comité de suivi de la mise en œuvre et d’évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises (le « Comité« ) bénéficiera désormais de statistiques hebdomadaires sur le taux de refus et le taux de demandes restées sans réponse de la part des prêteurs sollicités, alors même que les conditions d’éligibilité au PGE auraient été satisfaites. Ainsi, bien que le PGE ne soit pas un droit, l’Etat entend suivre de près la politique d’octroi des prêteurs ;
  • la garantie autonome de l’Etat sera transmissible en cas de cession ou titrisation du prêt à condition que (i) le cessionnaire soit une filiale de l’établissement prêteur ou une entité affiliée au même groupe bancaire, ou que les titres émis par l’organisme de titrisation soient uniquement souscrits par l’établissement prêteur (opération retained) ou par des entités affiliées au même groupe bancaire et (ii) que cette cession ou mobilisation du prêt intervienne dans le cadre des opérations de politique monétaire du Système européen des banques centrales (SEBC) ;
  • jusqu’au 31 décembre 2020, l’Etat pourra directement octroyer des prêts participatifs aux très petites entreprises et aux petites entreprises qui ne pourraient bénéficier d’autres mesures de financement ;
  • le Comité voit ses attributions élargies. Il lui appartiendra de suivre (i) le mécanisme de réassurance publique par la Caisse Centrale de Réassurance, (ii) le dispositif « Cap Francexport » et (iii) les prêts accordés par le Fonds de développement économique et social (FDES) ainsi que ceux accordés par l’Etat sous forme de prêts participatifs ; et
  • l’encours maximal ré-assuré par l’Etat au titre du dispostif « Cap Francexport » est augmenté de 2 à 5 milliards.

A toutes fins utiles, il est rappelé qu’un Arrêté en date du 17 avril[8] avait précisé ce qui paraissait déjà implicite, (i) que la garantie de l’Etat était irrévocable, inconditionnelle et valable sur toute la durée du prêt et (ii) que les prêteurs avaient la possibilité, en cas de défaillance d’un emprunteur, de demander à Bpifrance Financement SA, en sa qualité de mandataire de l’Etat, un versement provisionnel, proportionnel à la quotité garantie. Ce versement serait égal à l’estimation du montant des pertes susceptibles d’être constatées, à charge pour le prêteur de reverser à l’Etat l’éventuel trop‑perçu une fois le montant indemnisable définitivement déterminé.

Cet article a été co-rédigé par Véronique Collin et Mathieu Lebourgeois

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[1] Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

[2] https://larevue.squirepattonboggs.com/covid-19-renforcement-du-dispositif-de-soutien-au-financement-des-entreprises.html

[3] Arrêtés du 2 mai et du 6 mai 2020 portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

[4] Loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

[5] Au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique

[6] Articles 2, 6 et 7 de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020

[7] Article 4 du Décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation

[8] Arrêté du 17 avril 2020 portant modification de l’arrêté du 23 mars 2020 accordant la garantie de l’Etat aux établissements de crédit et sociétés de financement en application de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020