Dans ce contexte d’épidémie mondiale, les employeurs se doivent de réagir en prenant des mesures utiles et appropriées de sauvegarde de la sécurité de leurs salariés et ainsi respecter leurs obligations. Les entreprises doivent également adopter une position claire sur ce sujet : la santé et la sécurité de leurs salariés, clients et fournisseurs est primordiale et prime sur les considérations commerciales.

Chacun se conforme à sa manière : chez L’Oréal et Nestlé, par exemple, tous les voyages d’affaires (y compris hors zones à risques) sont désormais proscrits. Les salariés d’Accor ou de la Société Générale exposés au virus ont reçu pour consigne de rester chez eux pendant 14 jours (période d’incubation du virus).

Faisons le tour des mesures à prendre.

  1. Rappel de l’obligation de moyen renforcée de l’employeur

Pour mémoire, l’employeur a une obligation de moyen renforcée en matière de prévention des risques depuis l’arrêt Air France de la chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n° 14-24.444). Plus précisément, l’employeur doit justifier avoir mis en œuvre les mesures de prévention nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés (art. L.4121-1 du Code du travail).

  1. Droit de retrait du salarié

Le salarié a un droit de retrait. À ce titre, il peut refuser de se rendre dans une zone à risques en exerçant son droit de retrait si certaines conditions sont réunies, à savoir s’il existe un motif raisonnable de penser qu’il y a un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (art. L.4131-1 du Code du travail).

De même, si l’employeur refuse de rapatrier un salarié malgré sa demande, ce dernier peut invoquer son droit de retrait dans les mêmes conditions. L’employeur ne pourra prendre aucune sanction dans ce cas, ni opérer de retenue sur salaire (art. L.4131-3 du Code du travail).

En situation d’épidémie, les possibilités de recours au droit de retrait sont cependant limitées, dès lors que l’employeur a pris les mesures de prévention et de protection nécessaires (principe issu de la Circulaire DGT n°2009/16 du 3 juillet 2009). Si l’exercice du droit de retrait est manifestement abusif, une retenue sur salaire pour inexécution du contrat de travail peut être effectuée mais cela ne caractérise pas pour autant une faute grave, mais éventuellement une cause réelle et sérieuse de licenciement.

  1. Recommandations aux employeurs

Les employeurs doivent se préparer au risque épidémique et peuvent prendre les mesures suivantes.

3.1. Mesures préparatoires :

Mesures générales

  • Consultation préalable du Comité Social et Economique (CSE) et implication du médecin du travail afin de mener des actions en matière de santé, d’hygiène et de sécurité

Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE doit ainsi être informé et consulté sur les mesures d’aménagement des conditions de travail (recours à l’activité partielle, dérogations aux règles relatives à la durée du travail et aux repos, etc.). Toutefois, l’employeur peut prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant la consultation du CSE ;

  • Modification et mise à jour du document unique d’évaluation des risques (DUER) afin d’intégrer le risque épidémique et les actions menées pour limiter ce risque ;
  • Acquisition de matériel d’hygiène (savon, gel hydro alcoolique, masques FFP2, blouses à usage unique, etc.) associée à une information du personnel sur leur utilisation (le gouvernement a d’ailleurs publié des affiches pouvant être diffusées et postées dans les locaux de l’entreprise : gouvernement.fr/info-coronavirus) ;
  • Élaboration de consignes en matière de sécurité et d’hygiène liées au risque épidémique ;
  • Formation du personnel concernant l’ensemble des mesures prises afin de garantir leur application ;
  • Création d’un dispositif de communication entre les salariés et l’employeur du type chat interne (exemple : wechat group) pour échanger avec salariés sur l’évolution de la situation et les mesures à prendre ;
  • Information des salariés (par email ou autre) sur l’état d’avancement de l’épidémie à l’aide des informations fournies par le Gouvernement ;
  • Possibilité de limiter l’emprunt des transports publics en finançant des modes privés de déplacements (taxis, chauffeurs privés, covoiturage, etc.) ;
  • Dresser un carnet de route permettant le suivi des déplacements des salariés (séjours dans des zones à risques).

Aménagement des conditions de travail

  • Mettre en place/mettre à jour le plan de continuité d’activité (PCA)

Ce document facultatif liste l’ensemble des mesures visant à assurer le maintien de l’activité essentielle de l’entreprise tout en préservant la santé et la sécurité des salariés (scénarios d’absentéisme, hiérarchisation des missions, modifications de l’exécution du travail, etc.) ;

  • Adapter l’organisation du travail (nouveaux horaires collectifs, aménagement de postes, aménagement des lieux de travail, polyvalence pour remplacer les salariés absents) via un accord d’entreprise ou, à défaut, une décision unilatérale de l’employeur après avis du CSE ;
  • Aménager la durée du travail en cas de surcroît temporaire d’activité après information /autorisation de l’inspection du travail et avis du CSE (suspension du repos hebdomadaire et/ou quotidien, dépassement de la durée quotidienne du travail maximale et du travail de nuit, dérogation à la durée maximale de travail) ;
  • Proposer le télétravail aux salariés dont les fonctions le permettent

Le télétravail peut être mis en place sans formalisme particulier. Il est cependant recommandé d’encadrer cette pratique via un accord collectif ou une charte élaborée par l’employeur après avis du CSE ou simplement par un accord écrit entre le salarié et l’employeur (sous la forme d’un avenant au contrat de travail par exemple) ;

  • Prise des jours de congés ou RTT en accord avec le salarié

À noter que, compte tenu des circonstances exceptionnelles, l’employeur peut décider de reporter les congés déjà posés pour couvrir une future période de vigilance de 14 jours (art. L.3141-16 du Code du travail) ;

  • Recours aux astreintes si un accord collectif le permet, ou à défaut, par décision unilatérale de l’employeur après avis du CSE (information, délais de prévenances des salariés concernés, compensation financière ou sous forme de repos seront en outre à prévoir) ;
  • Recours aux heures supplémentaires ;
  • Prévoir la polyvalence des salariés :
    • Changement des conditions de travail par décision unilatérale de l’employeur (heures supplémentaires, changement de missions sans modifier les attributions du salarié), le refus du salarié, sauf s’il est protégé, constituant une faute pouvant justifier son licenciement. Le CSE doit être consulté au préalable si les aménagements sont importants ;
    • Modification du contrat de travail si les éléments essentiels du contrat sont changés (fonctions occupées, rémunération, passage du temps partiel au temps plein).

3.2. Mesures d’urgence (si un salarié est à risque ou infecté) :

L’employeur doit informer les salariés et mettre en place les mesures suivantes dans les 14 jours :

  • Interdire tout voyages d’affaire (zone à risques ou non) ;
  • Interdire tout rendez-vous physique avec des clients ;
  • Interdire toute réunion, rassemblement ou évènement collectif ;
  • Imposer le télétravail aux salariés en cas de risque d’épidémie, aucun formalisme n’est imposé (art. L.1222-11 du Code du travail) ;
  • Imposer aux salariés le port de masques en cas de risque avéré (à retranscrire dans le DUER);
  • Proposer et organiser le rapatriement des salariés situés dans des zones impactées ;
  • Restreindre ou interdire l’accès aux locaux aux salariés infectés si le télétravail n’est pas possible, leur rémunération sera maintenue ;
  • Mise en quarantaine par le salarié lui-même (salarié à risque ou infecté) qui doit contacter le 15 ou un médecin de l’ARS (seul habilité à délivrer un arrêt de travail correspondant à la durée de l’isolement de 14 jours). Le Gouvernement déconseille fortement de se rendre aux urgences hospitalières et de consulter un médecin traitant ;
  • Poser des congés pour couvrir la période de 14 jours de quarantaine ;
  • Modification possible de la durée du travail après consultation du CSE et l’information/autorisation de l’inspection du travail ( supra).
  1. Les mesures prévues pour accompagner les employeurs

Le Gouvernement a mis en place un site internet (www.gouvernement.fr/info-coronavirus) actualisé quotidiennement et un numéro vert (0800 130 000) pour toute information. Des questions/réponses pour les employeurs et salariés ont également été publiées.

L’État considère le coronavirus COVID-19 comme un « cas de force majeure ». Par conséquent, les entreprises ayant passé des marchés publics d’État ne seront pas pénalisées en cas de retard de livraison. Depuis le 2 mars 2020, la Banque Publique d’Investissement (BPI) se porte garante de l’ensemble des prêts demandés par les PME afin de les accompagner pendant cette période difficile.

Un plan d’action de soutien aux entreprises impactées par l’épidémie est en cours d’étude.

Le ministère de l’Économie et des Finances a également annoncé des mesures de soutien, à savoir :

  • le recours à l’activité partielle (chômage partiel) ;
  • l’étalement des charges sociales et fiscales ;
  • la mise à disposition d’informations utiles relatives à l’activité et la logistique dans les provinces chinoises impactées.

Le Ministère du travail s’est quant à lui engagé à répondre aux demandes de chômage partiel sous « 24 à 48 heures ».

  1. Indemnisation des personnes en quarantaine

Afin d’éviter la propagation du virus, pendant la durée d’incubation de 14 jours, les autorités ont prévu des mesures de confinement des personnes rapatriées d’une zone impactée. Le Gouvernement a fixé des conditions dérogatoires d’octroi des indemnités journalières (IJ) de l’assurance maladie pour les assurés mis en quarantaine et se trouvant dans l’impossibilité de travailler. Le Décret n° 2020-73 du 31 janvier 2020 prévoit que ces assurés peuvent bénéficier des IJ, au titre de leur arrêt de travail, sans avoir à justifier de la durée minimale d’activité ou du minimum de cotisations. De plus, le délai de carence de 3 jours ne s’appliquera pas. Toutefois, pour bénéficier de ce régime dérogatoire, les assurés doivent avoir été identifiés et se voir délivrer un avis d’interruption de travail par un médecin d’une agence régionale de santé (ARS).

Article rédigé par Julien Perdrizot-Renault et Malik Abdellioua