La LME du 4 août 2008 a, entre autres choses, instauré une Autorité de la Concurrence en lieu et place du Conseil de la Concurrence. Parmi les pouvoirs conférés à cette Autorité, figure désormais la compétence de contrôler les opérations de concentrations qui satisfont les critères de notification prévus aux articles L. 430-1 et suivants du Code de commerce (Compétence qui jusqu’à récemment était attribuée à la DGCCRF).
Alors que le Conseil n’intervenait dans la procédure de contrôle qu’en cas d’enquête approfondie (dite de "Phase 2"), pour émettre un avis sur les effets envisageables de l’opération notifiée sur le libre jeu de la concurrence, l’Autorité est désormais seule compétente pour examiner l’opération, le ministre de l’Economie et des Finances n’intervenant plus que ponctuellement dans les affaires où l’intérêt général est en jeu.
On notera en particulier deux éléments de la réforme du contrôle des concentrations : l’introduction, d’une part, de nouveaux seuils de notification pour certaines opérations spécifiques (1), et la modification, d’autre part, des délais applicables lorsqu’une opération de concentration est soumise à autorisation préalable de l’Autorité de la concurrence (2).
(1) Introduction de nouveaux seuils de notification
En complément des seuils de notification généralement applicables aux opérations de concentration , la LME a introduit des seuils de notification spécifiques pour deux types d’opérations : les opérations dans le secteur du commerce de détail et les opérations dans lesquelles au moins une des parties exerce son activité dans un DOM ou un TOM.
Seuils applicables aux opérations dans le secteur du commerce de détail (Art L430-2 II c.com)
Lorsque deux au moins des parties à une opération de concentration exploitent un ou plusieurs magasins de commerce de détail, l’opération doit faire l’objet d’une notification à l’Autorité lorsque:
a. Le chiffre d’affaire total mondial hors taxe de l’ensemble des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 75 millions d’euros;
b. Le chiffre d’affaire total hors taxes réalisé en France dans le secteur du commerce de détail par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernées est supérieur à 15 millions d’euros; et
c. L’opération n’entre pas dans le champ d’application du règlement (CE) n°139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004 – applicables aux opérations dites "de dimension communautaire".
Seuils applicables aux opérations dans les DOM-TOM (Art L430-2 III c.com)
Lorsque au moins une des parties à la concentration exerce tout ou partie de son activité dans un ou plusieurs DOM ou dans l’une des collectivités d’outre-mer , l’opération doit être notifiée à l’Autorité lorsque sont réunies les conditions suivantes :
d. Le chiffre d’affaire total mondial hors taxe de l’ensemble des entreprises ou groupe de personnes physiques ou morales parties à la concentration est supérieur à 75 millions d’euros;
e. Le chiffre d’affaire total hors taxe réalisé individuellement dans au moins un DOM ou dans l’une des collectivités d’outre-mer par deux au moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales concernés est supérieur à 15 millions d’euros ;
f. L’opération n’est pas de dimension communautaire.
Une opération de concentration peut donc être désormais notifiable alors même que le CA réalisé en France par l’acquéreur et/ou la cible est inférieur à 50 millions d’euros.
En outre, les parties à une opération soumise au contrôle préalable de l’Autorité devront prendre en considération des délais suspensifs pouvant être plus long que par le passé.
(2) Nouveaux délais applicables à la procédure de controle
Les délais applicables dans le cadre de la procédure de contrôle ont été considérablement remaniés, afin notamment de tenir compte des pouvoirs résiduels d’intervention dont dispose le ministre de l’économie et des finances, aussi bien en phase 1 qu’en phase 2.
En effet, celui-ci dispose dans certaines circonstances d’un pouvoir d’auto saisine afin "d’évoquer" l’affaire, ainsi que du pouvoir de demander à l’Autorité de déclencher l’ouverture d’une procédure d’examen approfondi.
Délais applicables en Phase 1
a. L’Autorité dispose de 25 jours ouvrés pour se prononcer à compter de la date de réception de la notification complète (Art L430-5 I c.com).
b. Lorsque les parties proposent des engagements à l’Autorité dans le délai prévu au (a) ci-dessus, celui-ci est automatiquement prolongé de 15 jours ouvrés (Art L430-5 II c.com).
c. Le délai d’examen peut être suspendu dans la limite de 15 jours ouvrés à la demande des parties en cas de nécessité particulière, telle que notamment la finalisation des engagements (Art L430-5 II c.com).
d. Le ministre de l’Economie dispose d’un délai de cinq jours ouvrés à compter de la décision de phase 1 (ou à partir du moment où il est informé que l’Autorité n’adoptera pas de décision formelle – autorisation tacite de l’opération de concentration), pour demander à l’Autorité de procéder à un examen approfondi (Art L430-7-1 I c.com).
Au terme de la loi, les parties à une opération de concentration devront donc, au minimum, attendre jusqu’à 30 jours ouvrés pour obtenir une décision définitive d’autorisation en phase 1 , ce délai pouvant, en cas de prolongation et/ou de suspension, attendre 60 jours ouvrés.
Délais applicables en cas d’ouverture d’un examen approfondi de l’opération notifiée (Phase 2)
a. L’Autorité dispose de 65 jours ouvrés supplémentaires pour mener un examen approfondi de l’opération (Art L430-7 I c.com).
b. Dans l’hypothèse où les parties proposent des engagements à l’Autorité moins de 20 jours ouvrés avant l’expiration du premier délai d’examen (65 jours ouvrés), celui-ci expirera automatiquement vingt jours ouvrés après la réception des engagements (Art L430-7 II c.com).
c. Le délai d’examen peut être suspendu dans la limite de 20 jours ouvrés à la demande des parties en cas de nécessité particulières, telles que la finalisation des engagements (L430-7 III c.com).
d. Le délai peut aussi être suspendu dans la limite de 20 jours ouvrés par l’Autorité elle-même lorsque les parties ayant procédés à la notification ont manqué de l’informer d’un fait nouveau ou de lui communiquer les informations demandées dans le délai imparti. De même l’Autorité peut suspendre le délai lorsque des tiers ont manqué de lui communiquer des informations demandées, pour des raisons imputables aux parties. Le délai reprend son cours dés la disparition de la cause ayant justifié sa suspension (Art L430-7 III c.com).
e. Enfin, le ministre dispose d’un délai de 25 jours ouvrés à compter de toute décision de phase 2 pour évoquer une affaire qui revêt une dimension stratégique. Il pourra dans ce cas passer outre la décision de l’Autorité, en adoptant une décision motivée par des raisons d’intérêt général autres que le maintien de la concurrence (développement industriel, compétitivité des entreprises en cause au regard de la concurrence internationale, création ou maintien de l’emploi) (L430-7-1 II c.com.).
Le délai d’examen de 65 jours ouvrés, peut donc, dans la pire des hypothèses, être prolongé de 45 jours ouvrés. La Phase 2 peut donc s’étendre sur une centaine de jours ouvrés.