Le principe de l’égalité des parties en matière de désignation des arbitres en vue d’une procédure d’arbitrage a été énoncé pour la première fois par la Cour de cassation dans le fameux arrêt Dutco du 7 janvier 1992 . Ce principe est d’ordre public et il est donc impossible d’y renoncer par avance.

Cependant, le principe du respect de la volonté des parties semble pouvoir écarter celui de l’égalité entre elles, celles-ci disposant, alors, du droit d’accepter que la constitution du tribunal arbitral s’effectue de façon inégalitaire.

Dans certaines conventions d’arbitrage un type de clause met à mal le principe de l’égalité des parties en prévoyant un mécanisme particulier de choix de l’arbitre unique, selon lequel la désignation de ce dernier s’effectue uniquement par le demandeur, mais sur une liste de noms élaborée par les parties avant la naissance du litige.

Le juge français s’est déjà prononcé sur la validité d’un tel mécanisme, dit « roulette russe ».
Le 7 décembre 1994 le Président du Tribunal de grande instance de Paris a été saisi au motif de l’irrégularité de la constitution d’un tribunal arbitral par application d’une clause « roulette russe ». L’ordonnance rendue a rejeté la demande en considérant que « les parties ont le droit de concourir également à la constitution du tribunal arbitral ».

La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 16 novembre 1999 a également admis la validité d’une telle clause, mais uniquement au motif que le défendeur l’avait confirmée après la naissance du litige.

Par conséquent, la portée et la validité d’une clause « roulette russe » demeure équivoque. Son acceptation paraît raisonnable lorsque la liste des arbitres proposés est le résultat de négociations véritables entre les parties concernées, à condition qu’au moment de l’élaboration de la liste les parties aient eu une chance égale de se trouver dans la position du demandeur.

En revanche, s’il s’agit d’un contrat d’adhésion et que la liste des arbitres est imposée unilatéralement, la clause peut difficilement être considérée comme valide, même si la partie qui a signé le contrat est supposée avoir donné son accord sur la désignation de l’un des arbitres y figurant.

Si la violation du principe de l’égalité par le biais d’une clause « roulette russe » peut, donc, être acceptable, celle-ci doit assurer que les parties ont été placées dans une position d’égalité au moins avant la naissance du litige.

Nous venons de voir une nouvelle illustration de la difficulté de mettre en œuvre des arbitrages multipartites.