Par un arrêt du 4 décembre 2007, la Cour d’Appel de Paris a confirmé la tendance jurisprudentielle faisant primer, dans les sociétés par actions, les stipulations du pacte d’actionnaires sur la commune intention des parties.

Dans cette espèce, l’immeuble dont LVMH était locataire rue Montaigne était détenu par une société anonyme, dont le capital social était lui-même détenu par deux sociétés actionnaires que nous nommerons par commodité A et B.

Ces deux actionnaires avaient conclu un pacte organisant un droit de préemption réciproque en cas de projet de cession de leur participation dans la société anonyme.

De façon classique pour en assurer la force juridique, ce droit de préemption détaillait chacun des types de transfert possible pouvant être envisagé par le cédant, y compris un « transfert indirect » et il s’appliquait à chacune des participations ainsi qu’à toutes les actions et valeurs mobilières pouvant être émises par la société anonyme au bénéfice de chacune des parties au pacte.

Or l’actionnaire A souhaitant céder sa participation, avait proposé à l’actionnaire B de la racheter. Une opération assez complexe avait été mise au point, au terme de laquelle (i) la société anonyme devait être fusionnée dans A puis (ii) la participation en résultant devait être cédée deux ans plus tard par les actionnaires de A à B, les détails de cette deuxième phase n’ayant pas encore été finalisés.

Lors de l’assemblée de la société anonyme décidant le projet de fusion, A refusait finalement la fusion et ses actionnaires informaient B de la cession de la totalité du capital social de A à LVMH.

B s’estime lésé et intente notamment (i) une action en annulation de la cession des actions pour violation du droit de préemption et (ii) une action en condamnation de A, des actionnaires de A et de LVMH à des dommages-intérêts pour fraude.

La Cour d’Appel de Paris refuse l’action en annulation de la cession des actions de A en considérant que :

  • le droit de préemption prévu par le pacte a pour seul objet les titres détenus par A dans la société anonyme –et non les titres émis par A et détenus par des tiers au pacte ;
  • le préambule du pacte et la notion de « transfert indirect » permettent de comprendre que la volonté des parties était de rendre le droit de préemption le plus efficace possible, mais ils ne pouvaient avoir pour effet de viser le transfert des actions de A et non celui de sa mère.

Concernant la fraude, la Cour d’Appel tranche là aussi en faveur de A ?, de ses actionnaires et de LVMH.

Après avoir rappelé que l’application de la théorie de la fraude implique que soit caractérisée l’intention frauduleuse des intéressés, c’est à dire leur volonté d’éluder une règle obligatoire (même contractuelle), par l’emploi d’un moyen efficace dont les conditions d’application sont artificiellement créées, la Cour d’Appel démontre point par point que l’opération répondait à un motif légitime. Notamment, l’offre d’achat présentait des caractéristiques juridiques, économiques et fiscales plus favorables que l’opération envisagée initialement entre A et B et elle avait également été faite à B et à ses actionnaires.

Enfin, conformément au principe selon lequel les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes (article 1165 du Code civil), la Cour décide que le pacte d’actionnaires ne pouvait produire d’obligations à l’égard des personnes qui n’y étaient pas parties.

Cet arrêt s’inscrit dans une veine jurisprudentielle selon laquelle toutes clauses visant à restreindre la libre négociabilité des actions est interprétée de façon restrictive par le juge. Cette tendance invite à la plus grande vigilance dans la rédaction des pactes d’actionnaires et des statuts de sociétés par actions en général.