CE 24 janvier 2014, n°352949, 9e et 10e s-s
L’indemnité perçue par un salarié qui a démissionné peut bénéficier de l’exonération des indemnités de licenciement si, en raison des conditions dans laquelle la démission a été posée, celle-ci revêt le caractère d’un licenciement.
En principe, toute rémunération perçue par un salarié à l’occasion de la rupture de son contrat de travail constitue une rémunération imposable, à l’exception des rémunérations visées par l’article 80 duodecies, 1 du CGI. Toutefois le Conseil constitutionnel considère [1] que les dispositions de cet article ne sauraient, sans instituer une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi, conduire à ce que le bénéfice de ces exonérations varie selon que l’indemnité a été allouée en vertu d’un jugement, d’une sentence arbitrale ou d’une transaction. En particulier, en cas de transaction, il appartient à l’administration ou au juge de l’impôt de rechercher la qualification à donner aux sommes faisant l’objet de la transaction.
Il a été fait application de cet exercice de qualification dans l’affaire jugée par le Conseil d’État le 24 janvier 2014, n°352949, 9e et 10e s-s. Un salarié avait contesté, par des courriers datés de 2000 et 2001 adressés à son employeur, la baisse de la part variable de son salaire et les objectifs qui lui étaient assignés compte tenu des moyens mis à sa disposition. Deux ans plus tard, il présentait sa démission en indiquant son intention de soumettre aux prud’hommes les conditions dans lesquelles il avait été « contraint de démissionner » en raison des pressions subies. Une transaction avait finalement été conclue, aux termes de laquelle le salarié percevait une indemnité en réparation du préjudice moral et matériel qui résultait de sa démission et en contrepartie de la renonciation à toute action à l’encontre de son ancien employeur. Le contribuable n’avait pas déclaré le montant de l’indemnité en cause au titre de ses revenus imposables, estimant qu’elle devait être traitée comme une indemnité de licenciement, compte tenu des conditions de la rupture.
Le juge a apprécié les conditions dans lesquelles la démission avait été donnée et a retenu que la démission n’avait pas été contrainte, puisque les courriers dataient de plus de 2 ans et puisque la démission avait été présentée après que le salarié se soit assuré de pouvoir faire valoir ses droits à la retraite. En revanche, si le salarié avait été en mesure de prouver qu’il avait été poussé à la démission et que la rupture du contrat de travail était en réalité imputable à l’employeur, l’indemnité aurait pu être exonérée d’impôt sur le revenu.
En revanche, la question du montant de l’exonération (totale ou dans la limite de six fois le plafond annuel de la sécurité sociale en vigueur au moment du licenciement) n’est pas tranchée. Si l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement permet d’obtenir une exonération totale de l’indemnité perçue, il pourrait être considéré qu’une transaction qui masquerait une démission contrainte et qui serait ainsi requalifiée en licenciement serait par hypothèse dépourvue de cause réelle et sérieuse, et devrait bénéficier de l’exonération totale du montant de l’indemnité perçue. De même, une transaction qui fait suite à un licenciement devrait pouvoir bénéficier de l’exonération totale, à condition que le salarié apporte la preuve devant l’administration ou le juge de l’impôt de l’absence de cause réelle et sérieuse.
[1] Dans une décision 2013-340 QPC (question prioritaire de constitutionalité) du 20 septembre 2013, statuant sur la décision de renvoi du Conseil d’État du 24 juin 2013 (CE QPC 24 juin 2013 n° 365253, 9e et 10e s.-s.)