CAA Douai, 14 décembre 2010, n°08DA01103
Une cour administrative d’appel a jugé incompatible avec le droit communautaire les dispositions de l’article 155 A du Code Général des Impôts (« CGI ») visant à imposer en France certaines rémunérations versées à l’étranger au titre de prestations de services réalisées en France (CAA Douai, 14 décembre 2010, n°08DA01103).
La vocation de l’article 155 A du CGI est de permettre à l’administration fiscale d’appréhender les revenus perçus dans le cadre de structures dans lesquelles des redevables, le plus souvent des artistes ou sportifs, concèdent à des sociétés étrangères le droit d’exploiter leur image et d’en percevoir les fruits.
A cet effet, le dispositif est assez large et prévoit en substance que les sommes perçues par une entité établie hors de France en rémunération de services rendus par une personne domiciliée en France sont imposables en France au nom de cette dernière lorsque (i) le prestataire domicilié en France contrôle l’entité étrangère qui perçoit la rémunération des services, (ii) il n’est pas établi que ladite entité exerce principalement une activité industrielle ou commerciale autre que les prestations en cause ou encore (iii) lorsque l’entité étrangère qui perçoit la rémunération des services est soumise à un régime fiscal privilégié. Il suffit que l’une seule de ces conditions soit satisfaite. En outre, le dispositif est également applicable lorsque le prestataire est domicilié hors de France si le service est rendu sur le territoire français.
L’article 155 A du CGI avait déjà connu un premier assaut peu de temps avant l’arrêt de la Cour de Douai. Saisi par le Conseil d’État dans le cadre d’une QPC, le Conseil Constitutionnel avait jugé que le dispositif n’était pas contraire au principe d’égalité devant l’impôt protégé par la constitution (Conseil Constitutionnel, 26 novembre 2010, n° 2010-70 QPC). L’administration ne se voyait néanmoins pas accorder un total blanc seing dans la mise en œuvre du dispositif, les sages ayant pris soin de réserver le cas où son application conduirait à une double imposition à raison du reversement au prestataire des sommes perçues par l’entité étrangère.
C’est sur le terrain communautaire que l’arrêt de la Cour de Douai s’attaque de nouveau au mécanisme d’imposition de l’article 155 A du CGI. En l’espèce, une société française avait versé pendant plusieurs années des sommes à une société implantée en Belgique et contrôlée par un couple résident de France. L’administration fiscale avait imposé les redevables au titre des sommes que la société belge avait perçues.
Dans un raisonnement en deux temps, la Cour de Douai juge, en premier lieu, que les dispositions de l’article 155 A du CGI sont effectivement de nature à entraver la liberté d’établissement et la liberté de prestations de service instaurées par le Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne et considère, en second lieu, que cette entrave va au-delà de ce qui est nécessaire pour la lutte contre l’évasion fiscale.
S’inspirant des décisions récentes de la Cour de Justice de l’Union Européenne, la Cour de Douai relève que les dispositions de l’article 155 A « s’applique de manière générale à tout contribuable domicilié ou établi en France et se faisant rémunérer par l’intermédiaire d’une société qu’il contrôle, établie hors de France, sans distinguer les hypothèses où cette situation correspondrait à un montage purement artificiel de celles où l’implantation hors de France de ladite société serait justifiée par des motifs légitimes et sans permettre au contribuable de faire valoir de tels motifs pour échapper à l’imposition encourue […]. »
Cette position, si elle est confirmée, pourrait obliger le législateur à affiner les contours et les modalités de mise en œuvre du dispositif.