C’est une arnaque bien rodée qui a fait de nombreuses victimes : l’arnaque aux encarts publicitaires. La DGCCRF a publié plusieurs avertissements sur son site pour appeler les commerçants à être vigilants. Pour autant ces pratiques se perpétuent et le commerçant se sent souvent démuni quand il réalise que les retours escomptés n’arriveront jamais et qu’il a investi des sommes importantes dans une promotion inefficace.
En quoi consistent ces pratiques ? Les commerçants, souvent nouvellement inscrits au RCS, ou professionnels libéraux sont contactés, le plus souvent par téléphone ou plus rarement physiquement sur leur lieu de travail, par des sociétés d’édition dont l’objet est de vendre des encarts publicitaires dans des magazines qui sont présentés comme des magazines à large diffusion, destinés à des publics de comités d’entreprise ou des associations. Ces encarts mentionnent la spécialité et les coordonnées du professionnel.
L’argumentaire est convaincant, et la souscription à un encart est somme toute raisonnable étant donné les retombées annoncées.
L’encart publicitaire est une pratique courante et non condamnable en soi à partir du moment où les méthodes employées, les termes du contrat et les promesses faites ne viennent pas vicier le consentement du donneur d’ordres.
Or, on constate que certains groupes d’édition emploient des méthodes de vente agressives, font signer des contrats qui ne comportent pas les mentions protectrices légales et tiennent des propos mensongers.
Dans ces hypothèses, quand un premier accord est donné, l’éditeur ne s’arrête pas là. Le commerçant est alors contacté, voire harcelé au téléphone pour souscrire à d’autres publications éditées par des sociétés différentes mais toutes affiliées.
Alors que les commerçants sont mis sous pression pour donner leur réponse immédiatement compte tenu de la publication imminente du magazine, ce dernier n’est édité que des mois plus tard le plus souvent, car il est uniquement financé par les annonceurs.
Une fois publié, rien n’assure de sa diffusion, que ce soit en termes de volume ou de destinataires. Les retombées commerciales sont nulles, mais comment s’en plaindre quand le retour sur investissement en matière de publicité exclut toute garantie ?
En outre les montants engagés peuvent être importants pour le commerçant mais justifient-ils d’engager une procédure ?
La question se pose compte tenu du fait que l’action de groupe n’est pas ouverte aux commerçants ou aux professions libérales et que les sociétés éditrices peuvent s’avérer insolvables ce qui rend toute décision de justice même favorable, inefficace.
Il n’en reste pas moins que des actions sont possibles et que ce type de pratiques perdurera si aucun procès n’est intenté.
Cet article a pour objet de présenter des pistes pour tenter d’obtenir l’arrêt des pratiques, la nullité du contrat, le remboursement des sommes engagées ou l’obtention de dommages intérêts. Cependant chaque cas d’espèce a ses spécificités qui peuvent donner lieu à des actions différentes, reposant sur des fondements différents.
I. Les actions civiles
Les infractions aux règles régissant les contrats conclus à distance ou hors établissement
Pour protéger le consommateur, les contrats conclus à distance ou hors établissement sont réglementés. Ces dispositions protectrices sont également applicables aux professionnels, dès lors que l’objet de la convention n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à 5 (article L. 121-16-1).
Les contrats concernés sont les contrats conclus « dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat »
Nombre des commandes d’encarts publicitaires sont conclues dans ces conditions.
Les obligations à la charge du vendeur tiennent principalement à la communication au consommateur de manière claire et précise d’informations précontractuelles sur la prestation à réaliser (caractéristiques essentielles) et notamment le droit de rétractation de 14 jours au bénéfice de l’acheteur.
Certaines de ces obligations sont sanctionnées par la nullité du contrat et le remboursement des sommes souscrites.
Les pratiques commerciales trompeuses
L’article L. 121-1 du code de la consommation prévoit que la pratique commerciale trompeuse est constituée notamment lorsque la pratique commerciale repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur la nature du bien ou du service, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, la portée des engagements de l’annonceur (…).
Cette disposition est applicable aux pratiques qui visent les professionnels.
S’il peut être démontré que les magazines dans lesquels sont publiés les encarts, ne sont pas diffusés aux associations ou aux comités d’entreprises visés dans le contrat ou les conditions générales, ou ne sont pas publiés dans les quantités prévues au contrat, les pratiques pourraient être qualifiées de trompeuses.
Par ailleurs l’article L. 121-1-1 vise également les pratiques qui consistent à pousser à la vente comme déclarer faussement qu’un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu’il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée, afin d’obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d’une possibilité ou d’un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause ou encore inclure dans un support publicitaire une facture ou un document similaire demandant paiement qui donne au consommateur l’impression qu’il a déjà commandé le produit ou le service commercialisé alors que tel n’est pas le cas.
Cette disposition s’applique également aux pratiques qui visent les professionnels.
La difficulté de mise en œuvre de ces dispositions tient, dans les deux cas, à la preuve qui incombe à l’acheteur.
Les pratiques commerciales agressives
L’article L. 122-11 du Code de la consommation condamne les pratiques commerciales agressives. Une pratique commerciale est considérée comme agressive lorsque : du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent :
– elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur ;
– elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur ;
– elle entrave l’exercice des droits contractuels des consommateurs.
Parmi ces pratiques, le code vise expressément, le fait de se livrer à des « sollicitations répétées et non souhaitées par téléphone, télécopieur, courrier électronique ou tout autre outil de communication à distance ».
La qualification de pratique commerciale agressive aboutit à l’annulation du contrat. Cependant, cet article contrairement aux dispositions précitées relatives aux pratiques commerciales trompeuses n’est pas étendu aux pratiques qui visent les professionnels.
Cependant, ces dispositions peuvent être utilisées pour décrire les méthodes employées.
Cela peut constituer un élément permettant de mettre en cause la validité du consentement dont on pourrait soutenir qu’il a été obtenu par violence : L’article 1113 du Code civil prévoit en effet que la violence est une cause de nullité du contrat.
Ce fondement est fragile cependant, dans la mesure où les professionnels sont considérés comme moins susceptibles d’être piégés.
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Comme indiqué plus haut, pour mettre en œuvre ces actions civiles, la victime peut se trouver confrontée à des problèmes de preuves dans la mesure où la charge de la preuve incombe au demandeur. Les annonceurs qui ont publié un encart dans le même magazine peuvent cependant être contactés pour tenter de multiplier les éléments de preuve et renforcer le dossier.
II. Les infractions pénales
L’intérêt d’une plainte pénale est son impact et son efficacité pour stopper les agissements frauduleux. En outre, la recherche de la preuve est prise en charge par les services de police. La difficulté tient cependant à la possibilité de qualifier les agissements en infractions pénales ; les qualifications en droit pénal sont strictes et nécessitent donc que les tous les éléments constitutifs soient réunis.
L’escroquerie
L’escroquerie est notamment le fait par des méthodes frauduleuses de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir à un acte opérant obligation ou décharge.
L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 € d’amende.
En l’espèce, il importe de démontrer que des méthodes frauduleuses ont effectivement été employées. Une fois encore, la tromperie sur la diffusion des magazines et les méthodes employées, les propos qui déforment la réalité sur la diffusion, les menaces, si elles sont démontrées, peuvent constituer ensemble des méthodes frauduleuses qui pourraient permettre la qualification d’escroquerie.
L’abus de confiance
La pratique pourrait également être qualifiée d’abus de confiance : commet un abus de confiance la personne qui détourne au préjudice d’autrui des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. En l’espèce, s’il est démontré que la diffusion des magazines n’est pas celle qui est annoncée, il pourrait être considéré que les sommes versée ont été détournées de leur usage. Cette qualification est cependant discutable dans la mesure où la somme versée a bien été utilisée pour l’insertion d’une annonce dans un magazine, donc pour l’usage prévu entre les parties, même si la diffusion n’est pas celle annoncée.
La pratique commerciale trompeuse visée ci-dessus peut être invoquée au civil, mais constitue également un délit, dont le responsable peut encourir jusqu’à deux ans d’emprisonnement et une amende de 300.000 €.
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La victime d’une arnaque aux annonces publicitaires n’est donc pas démunie et en fonction des éléments de son dossier, une action peut se révéler efficace, qu’elle soit demanderesse en matière civile, plaignant ou partie civile en matière pénale ou qu’elle décide de saisir la DGCCRF. Dans tous les cas, le nombre fait la force et manifestement une action concertée avec d’autres victimes des mêmes pratiques n’aura que plus d’impact.