CAA Nantes 04/05/2017 n°15NT01908
Le 4 mai dernier, la Cour administrative d’appel de Nantes a rendu une décision dont l’importance pourrait être plus significative qu’il n’y parait (CAA Nantes 04/05/2017 n°15NT01908).
En effet, dans le cadre d’un LBO – schéma classique où les anciens associés cèdent leurs titres à une société holding de reprise dans lequel ils deviennent minoritaires – la cour a d’une part écarté le principe de stricte identité des actionnaires contrôlant la cible avant et après l’opération et a d’autre part déduit du pacte d’actionnaires une situation de contrôle conjoint dans laquelle l’actionnaire de la société cédante participerait au contrôle conjoint de la société cessionnaire.
Cette seconde question est avant tout une question de fait puisque la solution retenue par la cour résulte directement de l’interprétation des stipulations du pacte d’actionnaires. Il ressort ainsi de ces stipulations, une « volonté de collaborer » à travers la holding de reprise, qui selon la cour d’appel caractérise un contrôle conjoint.
Solution stricte qui de prime abord pourrait conduire à appliquer l’amendement Charasse à un certain nombre de schémas de LBO.
Mais justement c’est là qu’apparait le véritable danger de ce jugement rendu par la cour d’appel, car en pratique, avant même de s’intéresser au pacte d’actionnaires, les garde-fous que sont les conditions d’application de l’amendement charasse auraient dû être examinées et notamment le principe d’identité des actionnaires contrôlant la cible avant et après l’opération.
Ainsi, comme l’a d’ailleurs rappelé le Rapporteur Public dans cette affaire, en vertu de ce principe, lorsqu’une cession de titres s’accompagne du passage du contrôle par un unique actionnaire à un contrôle conjoint par une collectivité d’associés, elle ne peut être considérée comme un rachat à soi-même visé par l’amendement Charasse.
Pirouette de la cour d’appel en réponse à cet argument : l’amendement Charasse s’appliquerait aussi bien en cas de stricte identité entre les actionnaires de la société cédante et de la société cessionnaire que dans les situations où l’actionnaire unique de la société cédante participerait au contrôle conjoint de la société cessionnaire. La stricte identité requise par les textes serait donc troquée contre une simple participation au contrôle conjoint…
Non seulement la notion de participation est floue et sujette à interprétation mais surtout, si son utilisation en tant que condition à l’application de l’amendement Charasse était confirmée en Conseil d’État, elle conduirait à une application quasi systématique de l’amendement aux schémas de LBO.
À suivre, à ce stade on se sait pas encore si un pourvoi en cassation a été formé.
Article rédigé par Stéphanie Nègre