L’évolution du commerce avec les anciens pays soviétiques et la Russie entraîne un accroissement du contentieux international et notamment de l’arbitrage. Les entreprises utilisatrices de l’arbitrage se préoccupent légitimement de l’efficacité de ces procédures et des modalités pratiques d’exécution forcée des sentences, lorsque les circonstances nécessitent de contraindre le succombant.

Ces dernières années, le législateur russe a mené une politique de modernisation de la législation en arbitrage interne et international. Après l’adoption de la Loi sur l’arbitrage commercial international de 1993, deux nouveaux codes, l’un dédié à la procédure d’arbitrage et l’autre à la procédure civile ont été votés. A partir de ce socle réglementaire, une Lettre d’information du Présidium de la Cour Suprême d’Arbitrage (ci-après CSA) a résumé la jurisprudence sur la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales, pour en faire ressortir les traits pratiques les plus saillants.

Pendant longtemps la législation russe était vague sur la question des tribunaux compétents en matière d’exécution des sentences arbitrales, le choix entre juridiction générale et tribunaux d’arbitrage n’ayant pas été opéré . Depuis l’entrée en vigueur du Code de procédure d’arbitrage en 2002 (ci-après CPA), le pouvoir de se prononcer sur l’exécution des sentences arbitrales, internes ou internationales, a été attribué à la Cour d’arbitrage de l’Etat fédéré sur le territoire duquel se situe le siège ou le domicile du débiteur de la sentence ou, lorsque ces indications sont inconnues, sur le territoire duquel se trouvent ses biens.

La procédure se déroule en deux étapes : obtention d’une autorisation d’exécuter la sentence sur le territoire de la Russie, par ordonnance judiciaire (opredelenije), puis délivrance par le même tribunal d’un titre exécutoire (ispolnitelnyj list). Le régime d’exécution des sentences arbitrales rendues en Russie en matière internationale est donc assimilé à celui des sentences internes , ces dernières étant simplement dispensées de l’obligation de passer par la première étape de la procédure. En arbitrage interne, la partie intéressée saisit directement le tribunal par la demande de délivrance du titre exécutoire.

Pour les sentences étrangères, le demandeur d’exécution doit s’adresser au tribunal compétent dans un délai de trois ans à partir de la date où la sentence à été rendue. Pour justifier un refus total ou partiel de la demande d’exécution, le juge doit établir la contrariété à l’ordre public de la Fédération de Russie. Quant à la délivrance du titre exécutoire le juge peut la refuser pour les raisons ci-après, qui correspondent globalement à la pratique internationale : défaut de validité de la convention d’arbitrage ; violation du principe du contradictoire ; dépassement des termes de la convention d’arbitrage ; irrégularité de la composition du tribunal arbitral ou de la procédure ; annulation, absence d’autorité de chose jugée ou suspension de la sentence dans le pays où elle a été rendue ou selon la loi applicable au fond ; objet du litige non-arbitrable selon la législation russe ou exécution contraire à l’ordre public de la Fédération de Russie. Une fois l’ordonnance autorisant l’exequatur rendue, le même Tribunal peut immédiatement délivrer le titre exécutoire. La seule voie de recours possible contre l’ordonnance est la cassation.

Ce contexte juridique favorable se combine à une jurisprudence parfois contrastée en matière d’exécution des sentences, qui fait ressortir principalement des refus d’exequatur pour cause de contrariété à l’ordre public. Mais ces difficultés, précédemment relevées dans un article de cette revue, semblent se lisser progressivement grâce à la plus grande pratique judiciaire de l’arbitrage par les magistrats Russes. La sécurité juridique en sort grandie et les utilisateurs de l’arbitrage peuvent y voir un gage de plus grande efficacité de leurs procédures.