Les faits
CJUE, 05 mars 2015, Boston Scientific Medizintechnik, aff. Jointes C-503/13 et C-504/13
Cette interprétation a été rendue à l’occasion de deux affaires mettant en cause une société qui commercialisait des simulateurs cardiaques et des défibrillateurs automatiques implantables. Un contrôle qualité a révélé l’existence d’un défaut potentiel dans certains modèles. La société en a informé les médecins concernés en leur recommandant de remplacer les simulateurs en question, implantés dans le corps de leurs patients et leur a fourni gratuitement des appareils de remplacement. Les simulateurs d’origine ont été retirés et détruits sans avoir fait l’objet d’une expertise portant sur leur fonctionnement. Concernant les défibrillateurs, elle a recommandé de simplement désactiver l’interrupteur magnétique mais l’un des médecins a préféré opter pour un remplacement anticipé. Dans les deux cas, les sociétés d’assurance des patients concernés ont demandé réparation à la société pour les coûts liés aux opérations de remplacement des dispositifs cardiaques.
Qualification de « Produits Défectueux »
La juridiction interne posait deux questions à la CJUE. Elle demandait d’abord si un produit médical posé dans le corps humain est déjà défectueux alors pourtant qu’il n’est pas constaté de défaut, lorsque des produits appartenant au même groupe ou à la même série présentent un risque de défaillance important ou ont déjà fait l’objet de dysfonctionnements. La CJUE répond par l’affirmative. Elle rappelle qu’un produit est défectueux s’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre en fonction, notamment, de sa destination, de ses caractéristiques et des spécificités du groupe d’utilisateurs auxquels il est destiné. S’agissant des dispositifs médicaux (tels que les simulateurs cardiaques et défibrillateurs automatiques implantables), les exigences de sécurité auxquelles les patients peuvent légitimement s’attendre sont particulièrement élevées, eu égard à la fonction des dispositifs et à la situation de particulière vulnérabilité des patients. Le défaut potentiel de sécurité réside, s’agissant de produits tels que ceux en cause, dans la « potentialité anormale de dommage que ceux-ci sont susceptibles de causer à la personne ».
Ce qui est donc significatif c’est que la Cour juge que le constat d’un défaut potentiel d’un appareil médical permet de qualifier de défectueux tous les produits du même modèle, sans qu’il soit besoin de démontrer le défaut du produit dans chaque cas.
Qualification de « dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles »
La juridiction allemande demandait ensuite si le dommage causé par une opération chirurgicale de remplacement d’un produit défectueux, tel qu’un simulateur cardiaque ou un défibrillateur automatique implantable, constitue un « dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles » dont le producteur est responsable au sens de l’article 9-a de la Directive (à condition qu’il soit la conséquence du défaut du produit). La CJUE prône une interprétation large de cette notion : la réparation du dommage porte sur « tout ce qui est nécessaire pour éliminer les conséquences dommageables et pour rétablir le niveau de sécurité à laquelle l’on peut légitimement s’attendre ».
Plus précisément la cour juge que le dommage causé par une opération chirurgicale de remplacement d’un produit défectueux constitue un « dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles », dont le producteur est responsable, « lorsque cette opération est nécessaire pour éliminer le défaut du produit considéré ».
La CJUE renvoie à la juridiction interne le soin de décider si cette condition était remplie, à savoir si le remplacement des dispositifs était nécessaire pour éliminer le défaut de produit tenant au risque anormal qu’il faisait encourir aux patients. En ce qui concerne les défibrillateurs automatiques implantables, le fait que la société ait simplement recommandé une désactivation de l’interrupteur magnétique et non un remplacement invite sans doute à une réponse négative.
Cet arrêt donne une portée étendue à la responsabilité du fait des produits défectueux qui est transposée dans notre droit aux articles 1386-1 et suivants du code civil.
Contact : stephanie.faber@squirepb.com
[1] Comme le rappelle la CJUE, la Société qui importe un produit dans la Communauté européenne en vue d’une vente, location, leasing ou toute autre forme de distribution dans le cadre de son activité commerciale est considérée comme producteur de celui-ci au sens de la Directive sur les produits défectueux et est responsable au même titre que le producteur.