OVER FORING, propriétaire d’un brevet avec priorité française couvrant un dispositif de fixation occipitale d’un casque de cycliste, a cédé ce brevet à une autre entité, la société TIME SPORT. La cession étant enregistrée au Registre National des Brevets, et la demande de brevet européen étant en cours, TIME SPORT s’est cru en droit de faire pratiquer une saisie contrefaçon dès qu’elle a constaté qu’elle subissait un préjudice du fait d’actes de contrefaçon, et ce, sans attendre les deux ans nécessaires à la transcription de la cession au Registre européen des brevets.
Or, par application de l’article L. 614-14 du code de propriété intellectuelle, les effets de l’inscription de la cession au Registre National des Brevets sont suspendus tant qu’elle n’est pas transcrite au Registre Européen des Brevets.
La Cour de cassation a jugé que la transcription de la cession sur le registre européen des brevets n’ayant pas été effectuée lors de la requête en saisie-contrefaçon, TIME SPORT n’avait pas la preuve de son intérêt à agir pour requérir un acte de saisie, étape préliminaire mais distincte de l’action au fond en contrefaçon.
Cet arrêt, au-delà de la portée limitée de la question d’espèce, soulève celle de la pertinence d’un formalisme, qui, par essence, suppose des lenteurs de procédure et gèle la protection des droits de propriété industrielle acquis valablement depuis parfois plusieurs années.
La Cour de cassation avait pourtant dès 2001 rappelé que l’inscription d’un acte de cession des droits attachés à un brevet n’est pas une condition de validité de la cession (Com. 18 déc. 2001 : PIBD 2002,III, p. 99).
Il ne restait plus qu’un pas à franchir et dire que si les conditions de validité de la cession étaient réunies, celle-ci pouvait être créatrice de droits vis-à-vis de tiers, ces derniers étant d’ailleurs réputés en avoir connaissance par le biais de l’inscription au Registre national des brevets.
La stricte application du texte du code aura primé en 2006 et l’opposabilité d’un acte devra encore dépendre des délais bien connus pour faire inscrire une formalité française au registre européen des brevets.
Pendant que le droit suspend les effets des actes juridiques qui ont pourtant bien eu lieu, la vie des affaires continue et les contrefacteurs contrefont impunément. Était-ce bien là l’objectif poursuivi ?