Les faits
Cass. Com., 22 février 2017, n° 15-14.915
Dans cette affaire, une banque avait consenti un premier prêt visant à financer l’acquisition d’un fonds de commerce, lequel était garanti par le cautionnement solidaire des époux.
Quelques années plus tard, la banque a consenti un second prêt, garanti cette fois par le cautionnement de l’un seul des deux époux mais avec le consentement exprès de l’autre en application de l’article 1415 du Code civil.
La société ayant ensuite été mise en redressement, puis en liquidation judiciaire, la banque a donc assigné les cautions solidaires en exécution de leur engagement.
Afin de de contester leurs engagements, les cautions ont soulevé:
i – un manquement de la banque à son obligation de mise en garde concernant le premier prêt, et ce, indépendamment de la considération de la proportionnalité, pour avoir omis de vérifier la rentabilité de l’opération financée par ce prêt, et
ii – concernant le second prêt, l’impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir du cautionnement d’une personne physique dont l’engagement était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus, reprochant à la Cour d’appel d’avoir pris en considération les biens de la communauté pour apprécier la proportionnalité de l’engagement alors que la caution avait été contractée par un seul des deux époux.
L’obligation de mise en garde est satisfaite par l’analyse de projections réalistes
Concernant le premier moyen de défense tiré de la violation du devoir de mise en garde de la caution, la Cour de cassation rejette le moyen. Elle retient en effet que la banque s’était appuyée sur un dossier prévisionnel sur trois exercices comptables préparé par un cabinet renommé, et que les mensualités du prêt avaient été dument honorées pendant plusieurs années, ce qui induisait valablement que les projections de viabilité de l’entreprise étaient réalistes (le caractère réaliste des projections n’ayant par ailleurs pas été contesté), de sorte que la Cour d’appel n’avait pas à effectuer d’autres recherches et que la banque ne pouvait ainsi être considérée comme ayant manquée à son obligation de mise en garde.
Les biens de la communauté peuvent être pris en compte pour l’appréciation d’une éventuelle disproportion de l’engagement
Concernant la proportionnalité de l’engagement et son appréciation en présence d’une caution marié, la Cour rappelle utilement que la ratification de l’engagement de caution consenti par l’un des époux par son conjoint en vertu de l’article 1415 du code civil n’est pas sans conséquence sur la détermination de l’assiette permettant l’évaluation de la proportionnalité de l’engagement de caution.
Pour mémoire, l’article L. 341-4 du code de la consommation prévoit qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
L’article 1415 du Code Civil précise qu’en cas de caution marié, « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus… à moins que ceux-ci n’aient été contractés avec le consentement exprès de l’autre conjoint qui, dans ce cas, n’engage pas ses biens propres ».
Il avait déjà été décidé par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 15 octobre 2015, n°14-22.684) que le consentement du conjoint de la caution à l’engagement de caution a pour effet d’étendre le gage du créancier dans les cas d’exécution forcée contre des biens communs.
En l’espèce, la Cour de cassation confirme dans cette lignée que les biens communs et les revenus de l’époux ayant ratifié l’engagement de caution, sans pour autant être partie à l’acte de caution, doivent également être pris en compte pour apprécier la proportionnalité de l’engagement de caution :
« le consentement exprès donné en application de l’article 1415 du code civil par un époux au cautionnement consenti par son conjoint ayant pour effet d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs, c’est à bon droit que la cour d’appel a apprécié la proportionnalité de l’engagement contracté par [l’époux], seul, tant au regard de ses biens et revenus propres que de ceux de la communauté, incluant les salaires de son épouse ».
Cette décision vient clarifier la portée de l’engagement de la caution mariée, dont l’engagement a été ratifié par son conjoint. Après avoir décidé que les biens communs font partie de l’assiette du cautionnement par son arrêt de 2015, la Cour de cassation vient clarifier par ce nouvel arrêt que ceux-ci doivent également être pris en considération pour l’appréciation d’une éventuelle disproportion.
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