Le dirigeant et actionnaire d’une société exploitant une boîte de nuit avait acquis les participations des autres associés de la société. Le contrat d’acquisition de ces actions stipulait au bénéfice des cédants un complément de prix, et au bénéfice du cessionnaire, un certain nombre de garanties classiques, notamment en cas d’augmentation du passif résultant d’irrégularités fiscales pour les exercices antérieurs à la cession.

Les cédants ayant assigné le cessionnaire en paiement du complément de prix, le cessionnaire a fait une demande reconventionnelle de condamnation des cédants à l’indemnisation au titre de la garantie de passif suite à un redressement fiscal.

Les cédants avaient contesté avec succès devant la Cour d’appel en argumentant notamment que le dirigeant cessionnaire connaissait parfaitement les pratiques irrégulières de la société (et indiquaient même que ces irrégularités comptables étaient pratiquées de façon courante dans les établissements exploitant une discothèque !) et qu’il avait donc délibérément exposé la société au risque de redressement fiscal.

La Cour d’appel semblait faire usage du courant jurisprudentiel permettant d’annuler une cession en cas de réticence dolosive du dirigeant à l’égard d’un cédant, c’est-à-dire notamment lorsque le dirigeant de la société cache aux cédants certaines informations essentielles à la transaction (Arrêt Vilgrain ). Cet arrêt mettait donc en pratique à la charge des dirigeants une obligation d’information en cas de cession.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel et condamne les cessionnaires à payer les sommes dues au titre de la garantie de passif sur le fondement de la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi. Ce principe permet au juge, au cas d’espèce, de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle. Dans l’arrêt Vilgrain, cacher des informations essentielles avait pour objectif de parvenir de force à la conclusion du contrat.

Dans ce cas en revanche, la chambre commerciale estime que cette règle n’autorise pas le juge à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties : dans cette décision, la garantie contractuelle donnée par les cédants vaut loi entre les parties.

Sans doute faut-il comprendre que dans l’arrêt Vilgrain, le principe même de la cession était attaqué alors que dans cette espèce, seul l’accessoire de la cession, la garantie contractuelle, était mis en cause. On pourrait aussi soupçonner la Cour de vouloir limiter les obligations d’information du dirigeant de la société lorsqu’il est lui-même acquéreur: il reviendrait dans ce cas aux cédants d’agir avec précaution en refusant de donner des garanties contractuelles sur la société lorsqu’ils cèdent au dirigeant de cette société. Dans la même veine, certains auteurs, à la suite de l’arrêt Vilgrain, contestaient les obligations mises à la charge du dirigeant cédant, invoquant que la bonne foi ne devait pas empêcher les bonnes affaires.

La morale (non-juridique) de cette histoire : mieux vaut danser tout l’été en boîte de nuit qu’en être associé.