Sous-titré Avec les clochards de Paris, l’ouvrage de cet ethnographe né en 1953 à Bruxelles – il est aussi philosophe et psychanalyste – est reçu comme thèse de doctorat, sans pour autant que Declerck n’entame une carrière universitaire. Il mettra sa science au service des plus démunis dans les centres d’accueil avant de se consacrer entièrement à la littérature.

Son dernier opus Démons me turlupinant [2], titre d’un tableau de James Ensor, est une autobiographie sans concession, dans une écriture célinienne relativement apaisée (« Bardamu, mon frère »). S’y déploient, au fil des pages enfiévrées, les convictions de l’auteur, et d’abord ses rejets :« l’idée de Dieu, irrecevable… le spectacle effarant de toutes les religions… le monde est sans issue… la fausse quiétude de la normalité » mais aussi le « vouloir-vivre », selon Schopenhauer, « la volonté d’intelligence de la nature des choses, de l’ordre du monde » d’après ses chers philosophes grecs, et la définition du « vrai mal : mépris de la vie, de la pureté, de la sensibilité, de la grandeur, de la beauté ». Nullement théorique, qu’on se rassure, l’œuvre est cependant virulente et le mépris nietzschéen qui éclate dans plus d’une page est rien moins que consensuel.

Socrate dans la nuit [3] , dans lequel l’auteur dialogue avec le philosophe grec à la veille de la mort de celui-ci était plus acerbe et plus désespéré. Il est vrai que Declerck y relate la découverte dans son cerveau d’une tumeur inopérable.

Les onze nouvelles qui composent Garanti sans moraline [4] , très diverses, témoignent aussi bien de la rage de vivre que du pessimisme profond de leur auteur.

Les livres de Patrick Declerck sont roboratifs et pourraient choquer un lecteur trop habitué aux fausses impudeurs lénifiantes et calibrées. Cet homme « viscéralement anarchiste et cosmopolite » est aussi l’auteur libre de textes forts, comme on parle d’alcools forts.

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1 Aussi Pocket 2003, 458 p

2 Gallimard 2012, 266 p.

3 Folio 2009, 303 p.

4 Folio 2008, 243 p.