Cass. civ. 2, 1er févr. 2018, n° 17-14.664
En vertu de l’article 2241 du Code civil, « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription […] ».
L’interruption est l’incident qui arrête le cours du délai et anéantit rétroactivement le temps déjà accompli, de telle sorte qu’un nouveau délai identique recommence à courir.
En l’espèce, la question posée aux juridictions, était celle de savoir si la prescription de l’action était interrompue ou non par une demande reconventionnelle.
La demande reconventionnelle est celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire (article 64 du CPC).
Faits
Dans cette affaire, un contrat de distribution d’approvisionnement exclusifs ainsi qu’un contrat d’agent commercial exclusif ont été conclus le 31 janvier 2005 entre deux sociétés (FDG et Larzul) dans le cadre de la commercialisation de produits sur le territoire français pendant trois ans.
À la suite de la non-reconduction de ces contrats, la société Larzul a assigné sa cocontractante devant un tribunal de commerce qui, par jugement du 11 février 2010, a condamné la société FDG en tenant compte, pour minorer le montant réclamé par la société Larzul, d’un décompte de la société FDG, faisant apparaître à son profit un compte débiteur de la société Larzul ; ce jugement a été infirmé par la Cour d’appel de Paris le 2 octobre 2013.
Par arrêt du 18 décembre 2013, la Cour d’appel de Paris a débouté la société FDG de sa demande en omission de statuer sur une demande de paiement de commissions que celle-ci prétendait avoir formé contre la société Larzul.
Le 13 février 2014, la société FDG a assigné en référé la société Larzul devant le TGI afin d’obtenir le paiement de ces commissions mais a été déboutée de ses demandes, compte tenu de l’existence de contestations sérieuses. Le TGI, saisi au fond, a ensuite déclaré son action irrecevable car prescrite. Sur appel formé par la société FDG, la Cour d’appel de Colmar a confirmé le jugement de 1ère instance par arrêt du 11 janvier 2017. La société FDG a alors formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, rappelant que :
« Seule constitue, pour le défendeur à une action, une demande en justice interrompant la prescription, celle par laquelle il prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire » et laissant la qualification de la demande à l’appréciation des juges du fond, a relevé que la Cour d’appel a considéré que la société FDG n’avait pas formé une telle demande.
Seule une demande explicite interrompt la prescription de cette demande
Les conclusions, y compris reconventionnelles, constituent une demande en justice et interrompent la prescription.
En matière de procédure orale, il sera nécessaire que les demandes écrites soient reprises oralement lors de l’audience de plaidoirie par la partie ou son représentant.
En l’espèce, même si la société FDG avait formulé une demande fondée sur un calcul tenant compte des commissions, elle ne les avait pas sollicitées par écrit ou à l’oral lors de la première audience devant le tribunal de commerce.
La Cour d’appel de Colmar, le 11 janvier 2017, a retenu qu’à aucun moment la société FDG n’avait formé de demande reconventionnelle pour le paiement de commissions et que cette demande était intervenue pour la première fois, le 13 février 2014, date de l’assignation en référé.
Ainsi, pour que la prescription soit interrompue, il ne suffit pas que des demandes soient implicitement fondées mais qu’elles le soient de manière explicite.
Cet arrêt est aussi l’occasion de rappeler quelques principes relatifs à l’effet interruptif de la prescription attaché à une demande en justice à savoir :
(i) que cette interruption ne s’étend pas à une seconde demande, différente de la première par son objet, relative au même litige ;
(ii) l’interruption de la prescription n’a d’effet qu’à l’égard de celui qui agit ;
(iii) l’effet interruptif de prescription de la demande en justice est non avenu si la demande est déclarée irrecevable, c’est-à-dire que la prescription est considérée comme n’avoir jamais été interrompue.
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