A 16 ans, en pleine jeunesse radieuse, parfumée et ensoleillée, entre la Place de la Bastille et les Andalouses, elle quitte sans retour sa ville natale d’Oran en plein hiver pour se retrouver à Strasbourg où le thermomètre oscillait entre -15° et -20°C.

Son « intégration » dans cette région à l’époque peu habituée aux migrants d’Afrique du Nord n’a été que progressive, la barrière de la langue étant insurmontable. En effet, c’était encore en dialecte qu’on se parlait au Lycée de jeunes filles où elle a été scolarisée. Ce fut pour elle une aventure sans doute aussi exotique et marquante que pour les jeunes alsaciennes débarquant en Algérie, 90 ans plus tôt…

Après ce trajet à contre-courant de l’Histoire et son bac en poche, elle décrocha sa licence à la Faculté de Droit de Strasbourg, pile en 1968 (grâce à un bachotage intensif après le « schöli » mois de mai), puis, le calme revenu et la chienlit atténuée, un retour aux choses sérieuses avec, un an plus tard, un DESS de Droit Public.

Son premier emploi l’amène à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Mulhouse où elle est chargée de formation professionnelle et participe à la création du Musée du Chemin de Fer de cet ancien bastion textile. Cette expérience ferroviaire la marquera jusque dans son capital génétique, puisque, deux générations plus tard, elle renaîtra dans la passion de son petit-fils Gaspard pour tout ce qui concerne le rail, du « Tchou-Tchou » au TGV, mais surtout les locomotives à vapeur et leur odeur d’huile chaude…

Sa vie professionnelle la conduit ensuite « Far West » (dans l’esprit « Côte Est »), de Mulhouse à New-York ( !!!) où elle devient employée de banque. Il y a la période bridge quasi professionnelle, Colette était classée 1ère série. Puis, lors d’un second séjour dans la Grande Pomme, elle est collaboratrice d’un cabinet d’avocats, s’occupe des dossiers d’indemnisation des communes et pêcheurs bretons, victimes de la marée noire de l’Amoco Cadix et met fin à sa carrière de bridgeuse.

A son retour à Paris, elle rejoint la direction juridique d’un grand groupe industriel français qui reste à ce jour l’un des principaux clients et amis du Cabinet.

L’attirance du libéral l’amène à rejoindre les rangs des conseils juridiques. A la faveur de la fusion avocat / conseil juridique elle prête serment en 1992. N’étant pas « avocate de souche », elle n’aura que rarement l’occasion de revêtir la robe, préférant le pantalon à pinces et les ballerines, nettement plus pratiques durant les « closings »…

La grande aventure commence en 1995 où elle participe activement à la création de Hausmann & Associés et son installation en juillet 1995 rue de Courcelles, notre première adresse professionnelle.
Peu parmi nos collègues d’aujourd’hui savent sans doute que nous avons occupé au deuxième étage du n°45 de cette rue, l’ancien appartement du Docteur Proust où vécurent Madame Proust, le Docteur et ses deux fils, dont Marcel jusqu’en 1903, année de décès du père.

Sans l’énergie, le sens pratique et le dévouement de Colette, Hausmann & Associés n’aurait pas vécu. Elle a non seulement développé son activité « corporate » au service des clients, mais a assuré pendant une douzaine d’années la gestion de la structure qui a accueilli et formé des dizaines de collaborateurs, salariés, stagiaires, avocats confirmés, dont nombreux ont fait un long bout de chemin à nos côtés, et ce, jusqu’en 2008, date à laquelle Christopher Wilde a pris les rênes avec Valérie Faure.

Nonobstant le rapprochement avec Hammonds et son goût pour la culture anglaise, Colette a maintenu le cap en conservant ses recettes de bonne ménagère tout en veillant à ne pas perdre l’esprit pionnier des débuts.

Ainsi, Colette a mené harmonieusement de front ses activités de gestionnaire et de conseil aux entreprises en développant, un service de secrétariat juridique en droit des sociétés, tout en menant des opérations de haut de bilan. Elle a aussi fidélisé une clientèle de jeunes pousses assoiffées de nouvelles technologies, notamment des biotech.

Les anciens se souviennent de son énergie et de sa bonne humeur à l’épreuve de toutes les catastrophes et de sa capacité à toujours prodiguer des conseils pratiques à des jeunes avocats parfois paniqués, mais aussi de sa mauvaise humeur face à l’intolérance ou au mensonge.

Progressivement, elle a su constituer une équipe cohérente et soudée en droit des sociétés, composée d’Isabelle Pouilly et Alexia Dufaux et de préparer au mieux sa succession. Florence Cotillon, secondée par Audrey Scheibel, a ainsi pu prendre la relève de Colette, dans la sérénité.

Il ne reste plus grand monde de l’équipe fondatrice de Hausmann & Associés, hormis son jeune époux Christian, Michelle Lamotte et Shirley Kurera, mais la culture et les principes fondateurs et d’éthique, notamment de rigueur, de qualité de service et de sens pratique ont été pérennisés, et nombreux sont les anciens collaborateurs qui sont restés nos amis. Le temps est venu de constituer un club des anciens qu’Emmanuel Blanc a accepté d’animer et dont Colette sera la marraine (Collectif des « Anciens » – Alumni de Hausmann & Associés).

Colette a une foultitude de projets, parmi lesquels figure en bonne place une plus grande disponibilité pour ses petits-enfants, la vente aux enchères (dates communiquées ultérieurement Ndr) des trop nombreuses collections de son époux accumulées frénétiquement depuis sa période « Bibendum » et bien d’autres qui font partie de son jardin secret.

En dépit de sa passion immodérée pour les puzzles et les mots croisés, Colette suivra de près le devenir de la structure, qui de Hausmann & Associés est devenue Hammonds Hausmann, puis Squire Sanders Hammonds. Comment oublier ce cabinet qui est son deuxième « enfant » et tous ceux et celles qui ont contribué durant ces presque seize années à son succès !

C’est avec une vive émotion et une immense reconnaissance que nous voyons Colette s’éloigner, même si elle demeure dans le quartier (au cas où et puis de toute façon, en cas de gros pépin, Christian a son portable… !).

Le naturel n’étant pas facile à chasser (même au galop, Marie-Aimée Peyron en sait quelque chose !), nous savons que, même si elle nous délaisse aujourd’hui, elle mettra ses talents de créateur au profit de ses petits-enfants Gaspard et Lily, pour les former à devenir des citoyens soucieux de probité, de franchise et de tolérance, ces valeurs qui la caractérisent tant et qui nous l’ont fait aimer durant ces longues années.

Ceci n’est pas une homélie, mais le passage nécessaire à une procédure de béatification.

Merci à toi Colette et pense un peu à nous.

Collectif des Anciens et Nouveaux de Hammonds Hausmann