Contre toute attente et contrairement aux conclusions des deux avocats généraux différents qui avaient été désignés, la CJCE considère que l’IRAP est compatible avec la TVA. Selon la Cour, l’IRAP "se distingue de la TVA d’une manière telle qu’elle ne saurait être qualifiée de taxe ayant le caractère de taxe sur le chiffre d’affaires, au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive."
A titre préliminaire, l’arrêt rappelle que les taxes nationales ne seront considérées comme contraires à l’article 33 § 1 que si elles "i[présentent les caractéristiques essentielles de la TVA même si [elles] ne sont pas en tous points identiques à celles-ci]i". Ainsi si l’une de ces caractéristiques fait défaut, la taxe ne peut être jugée incompatible.
Ces caractéristiques essentielles de la TVA sont :
- 1° la taxe doit s’appliquer de façon générale aux transactions ayant pour objet des biens ou des services ;
- 2° elle doit être proportionnelle au prix perçu par l’assujetti en contrepartie des biens et services qu’il fournit ;
- 3° la taxe doit être perçue à chaque stade du processus de production et de distribution y compris celui de la vente au détail, quel que soit le nombre de transactions intervenues précédemment ;
- 4° la taxe due par un assujetti sur les montants acquittés lors des étapes précédentes du processus doit pouvoir être déduite de telle sorte que la taxe ne s’applique à un stade donné qu’à la valeur ajoutée à ce stade et que la charge finale de la taxe repose en définitive sur le consommateur.
Dans l’affaire IRAP, la Cour considère que l’IRAP est conforme aux deuxième et quatrième critères rappelés ci-dessus. Cette interprétation est particulièrement stricte et totalement contraire aux longs développements particulièrement argumentés des avocats généraux qui s’étaient prononcés pour une condamnation de cette taxe.
Cette décision s’explique sans doute eu égard aux conséquences financières dramatiques qu’aurait connu l’Etat italien si l’incompatibilité de cette taxe avec la TVA avait été reconnue (tant pour l’Italie que pour d’autres pays européens : 15 Etats membres avaient présenté des observations lors de la seconde audience, nombre inégalé jusqu’à présent).
D’un point de vue français, cet arrêt a des conséquences sur la comptabilité de la taxe professionnelle (dont les caractéristiques sont proches de l’IRAP) avec le droit communautaire (cf. la Revue de juin dernier, p.20). En effet, l’argumentation qui motivait les réclamations contentieuses reposait sur les conclusions des avocats généraux qui n’ont pas été suivies.
En conséquence, la cotisation minimum de taxe professionnelle calculée en fonction de la valeur ajoutée ne peut plus être remise en cause sur le fondement de l’article 33. En revanche, l’incompatibilité de la taxe sur les salaires (cf. la Revue de juin dernier, p.20) nous semble toujours d’actualité dans la mesure où cette incompatibilité n’est pas fondée sur l’article 33.